Le « secret des affaires » arrive dans notre cadre réglementaire ! Quel impact pour les entreprises ?

Après des années de réflexion, le texte relatif au « secret des affaires » a été adopté par l’assemblée nationale en première lecture le 23 janvier 2012. Nous devrions donc être dotés « prochainement » d’une nouvelle arme pénale dans notre arsenal réglementaire pour lutter contre les atteintes aux données les plus sensibles des entreprises.

 Un nouveau délit : la divulgation d’informations protégées par le secret des affaires

Inspiré du COHEN Act des États-Unis mais aussi d’autres textes européens, ce texte défini la notion « d’informations protégées relevant du secret des affaires d’une entreprise » (Art 325-1) et introduit le délit de divulgation de ces informations (Art 325-2).

Ces informations sont « quel que soit leur support, les procédés, objets, documents, données ou fichiers de nature commerciale, industrielle, financière, scientifique, technique ou stratégique ne présentant pas un caractère public dont la divulgation non autorisée serait de nature à compromettre gravement les intérêts de cette entreprise en portant atteinte à son potentiel scientifique et technique, à ses positions stratégiques, à ses intérêts commerciaux ou financiers ou à sa capacité concurrentielle »Art. 325-1 .

Cette large définition permet de couvrir les différents incidents rencontrés ces dernières années.

Jusqu’ici, en cas de fuites, les responsabilités pouvaient être recherchées pour vol, abus de confiance ou encore violation de propriétés intellectuelles.  Mais il était difficile de faire reconnaître des délits « virtuels » touchant des données immatérielles non reconnues par le code pénal.

Les exemples de jurisprudence sont rares, comme le jugement de juin 2010 du tribunal correctionnel de Clermont-Ferrand. L’ex-employé de Michelin souhaitant vendre des données à la concurrence a été condamné d’abus de confiance, mais sa peine est toute relative : 2 ans de prison avec sursis et 5000 euros d’amendes.

Les peines prévues dans ce nouveau texte sont largement plus dissuasives : 3 ans de prison et 375 000 € d’amendes. Seul regret, la tentative de fuite d’information n’est pas réprimandée. Il est important de préciser que les données identifiées ne seront pas protégées en cas d’investigations de la justice ou encore d’autorité de contrôle comme la CNIL. D’autre part, les journalistes sont également exclus du champ de la loi en cas de recel. Pour finir, les mesures de sécurité devront faire l’objet d’une information des instances représentatives du personnel.

Mais quels vont être les impacts dans les entreprises et comment le RSSI doit-il aborder ce sujet ?

Des impacts non négligeables

Le dispositif qui sera prochainement adopté va nécessiter un travail important dans les grandes organisations. En effet pour que la loi s’applique, les données doivent faire « l’objet de mesures de protection spécifiques destinées à informer de leur caractère confidentiel et à garantir celui-ci » (Art 325-1).

Le texte précise que les mesures seront précisées par décret en conseil d’état. Les premières discussions font état du marquage de l’ensemble des documents, de l’établissement de listes de personnes autorisées à prendre connaissance des informations, d’un stockage des documents papier dans des coffres ou des locaux sécurisés ou encore la mise en place de dispositifs de chiffrement et de codes d’accès.

Des pratiques minimums mais déjà complexes à déployer à large échelle. En effet, même si les données les plus sensibles sont souvent connues instinctivement, il peut être ardu de les identifier dans l’entreprise et à fortiori de les protéger dans son système d’information. Il s’agit d’un travail souvent méticuleux pour bien embrasser l’ensemble des données et tous les cas d’usage associés.

 Une réflexion à entamer dès aujourd’hui

 Il est évident que tout ne devra pas être classifié « secret des affaires » dans une entreprise.  Un bon réglage du « curseur » sera cependant ardu à trouver. Il faudra osciller entre « trop classifier », et donc augmenter les coûts, ou « ne pas assez classifier », et donc prendre de risques de fuites. L’implication des métiers et de la direction sera, encore une fois essentielle, et les efforts des années précédentes dans la réalisation d’analyse de risques s’avèreront très utiles.

Même si de nombreuses étapes législatives restent à franchir, réjouissons-nous cependant de l’avancée que représente ce texte, qui va d’une part aider à la sensibilisation du management et d’autre part apporter enfin une réponse juridique aux nombreux incidents rencontrés ces dernières années !

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