Le facteur humain dans l’accident de la raffinerie de Texas City en 2005

Pendant la nuit, les équipes de la raffinerie de Texas City se préparèrent à un redémarrage de la colonne de distillation. Au matin, l’équipe de jour redémarra l’installation. Tout semblait bien se dérouler et le cadre supervisant l’opération passa la suite à l’un de ses collègues. Mais soudain, une énorme explosion se produisit dans la torchère, causant la mort d’une quinzaine de personnes installées dans des bureaux préfabriqués situés à quelques mètres de la torchère, sur un espace libre. Personne ne comprit ce qui se passait et on crût à un attentat.

Les erreurs commises et leurs leçons

L’enquête a montré que cet accident était la conséquence d’erreurs simples et multiples qui auraient pu être évitées.

Tout d’abord, les procédures de démarrage n’ont pas été respectées car elles étaient contraignantes. Les opérateurs avaient pris l’habitude de les court-circuiter. Par ailleurs, le management de la raffinerie avait fermé les yeux sur plus de 13 cas de non-respect de la procédure de redémarrage recensés par les enquêteurs.

Expliquer le bien-fondé des procédures et les dangers auxquels les opérateurs sont exposés incite le personnel à les respecter. Cela augmente à peu de frais la sécurité d’ensemble. De plus, une structure de traitement du retour d’expérience aurait sans doute permis de déceler l’anomalie et d’y remédier de façon pratique en prenant en compte les contraintes de terrain et les propositions des opérateurs.

Le non-respect de la procédure consistait à dépasser le niveau d’hydrocarbure à distiller dans la tour. Mais les opérateurs étaient confiants dans le fait que s’ils dépassaient le niveau prescrit par la procédure, une alarme de « rattrapage » s’activerait. Ils pensaient aussi que la régulation de niveau automatique maintiendrait le niveau dans des limites acceptables. Ce qu’ils ne savaient pas, et que personne n’a contrôlé, c’est que l’alarme de « rattrapage » était défaillante et que la régulation automatique n’avait pas été mise en marche.

Nous relevons là plusieurs erreurs de transmission d’informations, de maintenance et de non-vérification de fonctionnalités importantes pour la sécurité. Organiser les passations de suite entre équipes, entre opérateurs et superviseurs, formaliser les communications, mettre en place des tableaux de situations et un système de bons de travaux opérationnel aurait permis d’alerter les opérateurs et de corriger largement à temps la défaillance, même si les procédures étaient court-circuitées ce jour-là.

L’enjeu de la formation et les conséquences de la défaillance du management

Par ailleurs, les informations présentées à l’opérateur de jour et à son superviseur étaient biaisées et les ont conduit tous deux à se faire une représentation erronée de la situation. Par manque de formation et d’expérience, ils n’ont pas identifié d’incohérences et n’ont pas considéré lesdites informations d’un œil critique. Sensibiliser opérateurs et superviseurs à croiser les informations et, pour ces derniers, à prendre du recul, aurait sans doute permis de déceler une anomalie.

Ne perdons pas de vue qu’une formation défaillante doit être au moins compensée par une supervision plus attentive parce qu’expérimentée. La formation se fait alors naturellement in situ. Constituer une équipe d’un opérateur insuffisamment formé (il ne savait pas que le liquide devait sortir de la tour) et d’un superviseur inexpérimenté (il ne regardait pas les bonnes indications et faisait confiance à l’opérateur) est une erreur de management.

Vis-à-vis des impacts de l’accident, pourquoi y avait-il des bureaux préfabriqués à proximité de la torchère ? Vraisemblablement à cause de l’absence d’analyse de risques. Créer et entretenir une culture de sécurité au sein d’une entreprise encourage le personnel à s’interroger (« que se passerait-il si…») et amène à considérer les opérations en cours d’un œil critique, bénéfique pour la sécurité de tous.

Prévenir de grandes catastrophes par de petites actions simples

Dans le contexte de l’accident, il faut mentionner les pressions de la hiérarchie sur le management de la raffinerie. Outre le fait que cette raffinerie avait été rachetée depuis peu par une autre compagnie et que les tensions étaient encore vives à cause de cultures d’entreprises différentes et de craintes légitimes, une réduction des coûts de 25% avait été décidée. Cela a nécessairement eu un impact sur la sécurité, secteur habituellement considéré comme coûteux pour un retour sur investissement impossible à chiffrer. Inviter les cadres à résister aux sirènes du low cost et à ne pas transiger sur la sécurité aurait permis de prévenir bien en amont ce désastre.

Il n’est pas question ici de décider à qui revient la responsabilité de cette explosion et des 15 victimes : trop de personnes, à tous les niveaux, portent une petite part de responsabilité. L’accident s’explique en effet par cette accumulation d’erreurs. Mais imaginons qu’une seule des personnes impliquées ait corrigé l’une des défaillances, il est certain que l’accident n’aurait pas eu lieu.

Par conséquent, en aidant les entreprises à travailler leur organisation, améliorer les communications entre personnes et entre groupes, en sensibilisant sous de multiples formes les opérateurs et leurs managers aux risques pris, il est possible à peu de frais d’améliorer la sécurité dans de grandes proportions.

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