Nouveau règlement Européen sur la protection des données personnelles : quels impacts suite à la version du trilogue ?

MIS A JOUR du 14/04/2016 :  Le Parlement européen vient d’adopter définitivement le règlement Européen sur la protection des données personnelles qui était en débat depuis 4 longues années. Il sera applicable d’ici 2 ans.

Le trilogue informel débuté en juin dernier semble finalement avoir porté ses fruits. En effet, dans son communiqué du 15 décembre 2015, la Commission Européenne a annoncé qu’un accord a été conclu entre elle-même, le Conseil de l’Union Européenne et le Parlement Européen. Le texte est donc prêt à être promulgué, ne reste plus qu’au Parlement et au Conseil d’adopter formellement le texte (voir la procédure d’adoption d’un règlement européen). Nous avions précédemment parcouru le contenu des dernières propositions en date afin d’en décrypter les 3 impacts majeurs, nous vous proposons aujourd’hui d’en faire de même sur la version finale du règlement.

QUEL CHANGEMENT POUR LES ENTREPRISES ?

Premier point important à noter, le règlement n’impose pas les mêmes obligations aux multinationales et aux PME de moins de 250 employés (cf. Commission Recommendation 2003/361/EC of 6 May 2003) : ces dernières, sous certaines conditions (absence de traitements sensibles et réalisation de traitements de données occasionnels) se voient dispensées de l’obligation de tenir un registre des traitements.

Responsabilisation ou « Accountability »

Le règlement fait disparaitre l’obligation de déclaration des traitements mais impose la tenue d’une documentation permettant au responsable de traitement de prouver sa conformité détaillant : les coordonnées du responsable de traitement, la liste des traitements de données avec leur finalité, les catégories de personnes concernées, les personnes pouvant accéder aux données, les transferts internationaux, la date de suppression des données et les mesures de sécurité associées. Le Data Privacy Officer (DPO), s’il est nommé, sera le garant de ce registre. Cependant, pour les traitements identifiés comme sensibles à la suite d’une l’analyse d’impact, le responsable de traitement devra consulter son autorité de référence avant de le mettre en œuvre. Cette autorité pourra lui imposer des mesures à mettre en place.

Le DPO ne sera pas généralisé à toutes les entreprises et contrairement à ce qui avait été proposé, il n’y aura pas de seuil relatif au nombre d’employés ou de personnes concernées par le traitement. L’obligation de nommer un DPO sera limitée :

  • Aux autorités publiques (à l’exception des tribunaux) ;
  • Aux entreprises qui, de par leurs activités, collectent des données personnelles de manière systématique ou sur un grand nombre de personne ;
  • Aux entreprises dont le cœur de métier de l’entreprise repose sur des traitements définis comme sensibles par le règlement au sein de l’article 9.

Les tâches et activités du DPO sont définies par le règlement :

  • Servir de point de contact aux contrôleurs,
  • Participer aux analyses d’impact,
  • Surveiller la conformité de l’entreprise au règlement
  • Conseiller le responsable de traitement et ses employés sur les sujets relatifs aux données à caractère personnel.

Dernier point à noter, ce DPO ne devra pas nécessairement être employé directement par le responsable de traitement et pourra être mutualisé, à condition qu’il reste facilement accessible.

Mise en place du Privacy by Design

Les responsables de traitement devront garantir que les traitements de données ne portent pas atteinte à la vie privée des personnes en recourant à divers mécanismes (pseudo anonymisation, collecte des données au strict minimum nécessaire, durée de conservation, restriction des accès…). Cette réflexion devra non seulement être réalisée au moment de la conception du traitement, mais également tout au long de la durée de vie du traitement à l’aide d’un processus d’audit préalablement défini. Afin d’accompagner les entreprises dans ces travaux, des codes de conduites ou des certifications pourront être mis en place par les contrôleurs.

Le règlement prévoit explicitement que des analyses d’impacts sur la vie privée des personnes soient réalisées sur les traitements présentant des risques pour les droits et libertés des individus. Ces analyses permettront de définir les mécanismes de sécurité à y associer ou encore la nécessité de modifier le traitement. Ce sera le DPO qui devra arbitrer sur la nécessité de réaliser ces analyses.

Là encore, afin d’accompagner les entreprises, deux mesures sont mises en place : les contrôleurs sont invités à établir une liste de traitements pour lesquels une analyse d’impact est obligatoire et en cas de fort risque identifié par l’entreprise, elle devra collecter l’avis du contrôleur compétent sur le traitement.

Point intéressant à noter, une unique analyse pourra être réalisée pour un ensemble de traitement similaire.

Notification des fuites

Le règlement entérine également l’obligation de notification des fuites de données. En effet, le responsable de traitement aura 72h pour notifier les autorités en décrivant : la nature de la fuite de données, le nombre et la catégorie de personnes concernées, la nature ainsi que le volume des données et le plan de remédiation.

Par ailleurs le responsable de traitement devra également notifier, sans délai, les personnes concernées s’il estime que la fuite présente un risque avéré pour ces personnes.

Les autres mesures à garder en tête

Il a été décidé de renforcer les pouvoirs du « European Data Protection Board », groupement de l’ensemble des autorités de contrôle, qui devra s’assurer de la cohérence de l’application du règlement au sein des différents Etats de l’Union Européenne.

Le droit à la portabilité, qui n’était pas systématiquement présent entre les différentes versions du règlement a été réintégré. Pour les entreprises, cela signifie qu’elles devront être capables de restituer l’ensemble des données personnelles à la personne concernée sous un format structuré et pouvant être traité simplement. Par ailleurs, ces données pourront également être transmises directement à une autre entreprise sur demande.

Comme évoqué précédemment, une liste des données sensibles a été définie dans le règlement : origine ethnique, opinions politiques, religieuses ou philosophiques, données génétiques, biométriques, relatives à la santé et aux préférences sexuelles des personnes. Le traitement de ces données sera soumis à de strictes restrictions.

En plus de ces données, les autorités de contrôle, via le « European Data Protection Board », pourront définir une liste de traitements sensibles.

Le principe du guichet unique a été précisé. Chaque entreprise devra choisir une autorité de référence (celle de son établissement principal) qui lui servira du point de contact unique avec l’ensemble des autorités de contrôle. Cependant n’importe quelle autorité pourra décider d’une action envers le responsable de traitement. Elle devra pour cela en informer néanmoins l’autorité de référence qui restera l’interlocuteur unique de l’entreprise. En cas de désaccord entre les 2 autorités, un arbitrage aura lieu au sein du « European Data Protection Board ».

Concernant les sanctions, deux seuils sont fixés en cas de non-conformité au règlement européen suivant la nature de l’infraction (l’article 79 du règlement détaille la liste des infractions pour chacun des seuils :

  • Un premier seuil à 2% du chiffre d’affaire mondial ou 10 millions d’euros (maximum des 2 valeurs) pour les infractions mineures : absence de registre des traitements, non nomination d’un DPO si elle est obligatoire ou encore non réalisation des analyses d’impact
  • Un deuxième seuil à 4% du chiffre d’affaire mondial ou 20 millions d’euros (maximum des 2 valeurs) pour les infractions les plus graves : non recueil du consentement, non-respect des droits des personnes, transfert international illégal ou encore non-respect d’une interdiction de mise en œuvre d’un traitement.

Le montant des amendes dépendra de la nature de l’infraction ainsi que de l’éventuelle récidive du responsable de traitement.

Que retenir ?

Nous nous dirigeons donc de manière certaine vers une accentuation de la responsabilité et de l’autonomie des entreprises concernant la gestion des données personnelles : le modèle de contrôle « a priori » va se transformer en un modèle de contrôle et sanction « a postériori ». Le message est clair : les entreprises pourront bénéficier d’une plus grande souplesse concernant la gestion des données à caractère personnel, mais seront susceptibles d’être sanctionnée beaucoup plus fortement.

Cela devrait également permettre aux autorités de contrôle de se concentrer sur les sujets les plus sensibles et d’être capables de répondre aux requêtes dans des délais raisonnables.

Prochaine étape, le texte doit maintenant être officiellement approuvé par le Parlement et le Conseil. Compte tenu du calendrier des réunions, nous pouvons supposer un règlement promulgué en Avril prochain, suivi d’une période de deux ans pour la mise en conformité.

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