Vie privée et transformation numérique : le retail mise sur une stratégie de confiance

Garantir le respect de la vie privée dans un monde numérique nécessite non seulement d’intégrer cette notion dans chaque projet, mais aussi et surtout de mettre en place une culture à l’échelle de l’entreprise, démarque qui facilitera d’autant plus la mise en conformité aux nouvelles réglementations dans les pays concernés.

Décryptage d’un projet concret dans le domaine de la distribution, avec le témoignage d’Armand de Vallois, expert Biens de consommation et distribution chez Wavestone.

Ce billet de blog fait partie d’une série d’articles issue d’une synthèse sur la vie privée à l’ère numérique publiée sur notre site web.

Quels changements ont eu lieu ces dernières années dans le monde de la distribution ?

Nous sommes passés depuis une dizaine d’années d’un modèle qui privilégiait les coûts et les volumes à un modèle qui souhaite davantage connaître ses clients. On abandonne ainsi un métier de distribution de masse, où l’on ne se souciait plus de la proximité client (la caisse automatique ayant illustré cette tendance à son paroxysme), pour entrer toujours plus dans un modèle où la connaissance client, la proximité et la fidélisation doivent concourir à améliorer la fréquence et le nombre d’achats.

Comment faut-il alors appréhender ces évolutions ?

Les  acteurs  du  commerce  ont  pris conscience ces dernières années que la donnée est une ressource dotée d’un très grand potentiel. Mais cette ressource doit avant tout être bien utilisée, c’est-à-dire valorisée comme il se doit pour répondre aux enjeux de proximité client. Les données doivent ainsi être collectées, manipulées, rapprochées dans un cadre en ligne avec les attentes du consommateur et les exigences du régulateur. On pense par exemple à la notion « d’opt-in », ou comment s’assurer que le client est informé et qu’il accepte la collecte de ses données et ce qu’il en sera fait. De plus en plus souvent, la gratification (ou reward) est utilisée pour encourager le client à accepter de communiquer ses données. Mais ce modèle a ses limites. Il convient alors de s’assurer que les services envisagés auront du sens pour les clients, qu’ils contribuent à leur simplifier la vie, et que le client aura alors le souhait de fournir ses données.

Avez-vous un exemple d’un projet ayant provoqué des inquiétudes ?

L’introduction des puces RFID (technologie intégrée permettant notamment l’identification et le suivi d’objets ou de personnes) pour l’étiquetage électronique me semble un bon exemple. Dans le textile, au regard des coûts de production du produits, de la facilité d’introduction de la puce dans les étiquettes, et des gains importants concernant l’automatisation des inventaires en rayons ou en entrepôts, de nombreux projets ont été lancés. Dans un contexte d’omnicanalité où l’achat sur internet précède le retrait en rayon, connaître son stock en temps réel et disposer d’une information fiable est un élément essentiel de la promesse client. Les puces RFID peuvent également contribuer à produire des données sur les parcours clients en traçant les mouvements d’un produit dans un magasin afin de, par exemple, produire des ratios sur le nombre de produits essayés en cabine au regard du nombre réellement vendus. Dans un contexte de fast fashion du textile, où il est essentiel de savoir très vite ce qui marche ou non et pourquoi, ces informations deviennent cruciales. Mais cette puce introduit également une inquiétude sur le fait que, « potentiellement », le vendeur pourrait lier une personne à un produit (la puce RFID ayant un identifiant unique) et le suivre dans le temps dans ses magasins (la puce restantactive). Pour plusieurs projets que nous avons suivis, des citoyens se sont mobilisés afin que les technologies envisagées n’empiètent pas sur la vie privée.

Comment avez-vous répondu à ces inquiétudes ?

Nous avons mis en place ce que l’on appelle du Privacy By Design. Au-delà de principes stricts sur l’utilisation des puces (identifier et suivre un produit et non un client), plusieurs autres principes ont été établis :

  • Un marquage visible informant que le vêtement contient une puce RFID ;
  • Une formation des vendeurs du magasin afin qu’ils sachent répondre aux questions  des  clients,  par exemple sur le fait qu’il est possible d’enlever la puce en coupant l’étiquette (service proposé par le magasin) ou que l’entreprise ne fait jamais de lien entre la puce et le client ;
  • La mise en œuvre d’un site internet spécifique afin de communiquer l’ensemble des informations nécessaires à la compréhension des puces et des données manipulées.

Il faut certainement retenir de ces projets une bonne pratique applicable à tout projet où des données sensibles sont manipulées : nous nous devons d’être exemplaires concernant ce qui est fait des données et la manière dont nous en informons les individus. Il convient de rassurer afin de lever les craintes et répondre, en les anticipant, aux interrogations.

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