La Tarification Progressive de l’Energie ou comment taxer le gaspillage d’énergie

“Je ferai adopter une nouvelle tarification progressive de l’eau, de l’électricité et du gaz afin de garantir l’accès de tous à ces biens essentiels et d’inciter à une consommation responsable. Elle permettra de faire sortir de la précarité énergétique 8 millions de Français. ”

Parmi les 60 promesses de la campagne du Président de la République François Hollande, la Tarification Progressive de l’Energie est la n°42. Il l’a confiée à M. François Brottes, président de la commission des affaires économiques de l’Assemblée nationale.

En théorie, le principe est simple : plus je consomme, plus le tarif de mon énergie augmente… Mais dans la pratique les interrogations sont nombreuses et la mise en place semble très complexe. Pour preuve, l’entrée en vigueur n’est pas prévue avant fin 2013, début 2014.

Cette nouvelle tarification de l’énergie concernera environ 30 millions de foyers et a pour but d’accélérer la transition énergétique.

Trois tarifs d’énergie correspondants à des tranches de consommation définies selon trois critères du logement

Les bons élèves, faibles consommateurs d’énergie, seront récompensés par un bonus (subvention) et les cancres énergétiques seront punis par un malus (taxation).

Chaque résidence principale se verra attribuer un « volume de base » qui doit correspondre à une consommation énergétique “normale”. Ce volume de base résulte d’un savant calcul issu de 3 paramètres du logement :

  • Le nombre de personne dans le foyer,
  • La zone climatique,
  • Le mode de chauffage.

Pour les chauffages collectifs, ce calcul dépendra uniquement de la surface chauffée et de la zone climatique.

A partir de ce calcul du « volume de base », 3 tranches sont définies :

Tranche

Votre consommation (fonction du logement)

Votre profil

Votre bonus/malus*

(pour une résidente principale hors précaires énergétiques)

Tranche 1 (de base) Ma consommation comprise dans le volume de base Vous êtes un bon élève qui ne gaspille par l’énergie. Un bonus vous sera versé. Vous bénéficiez d’une réduction du prix de votre énergie allant jusqu’à -30€/mégawatheure
Tranche 2 (Taxée) Ma consommation comprise entre 1 et 1,5 fois le volume de base Vous avez une consommation dite de confort et vous pourriez faire un effort pour réduire votre consommation. Un malus modéré vous sera appliqué. Vous payez un malus allant jusqu’a +9€/mégawatheure
Tranche 3 (Taxée) Ma consommation au-delà de 1,5 fois le volume de base Vous êtes un cancre énergétique et ne respectez pas votre environnement, un malus important vous sera appliqué. Vous payez un malus allant jusqu’a +30€/mégawatheure

*Chiffres à préciser lors d’un rapport demandé au Gouvernement. Ils seront par ailleurs revus de manière annuelle par décret.

Par ailleurs, les tarifs sociaux (600 000 bénéficiaires aujourd’hui) seront élargis aux 4 millions de précaires énergétiques et remplacés par le même dispositif à 3 tranches dites « sociales » avec des coefficients plus favorables : subventions plus fortes et taxations plus faibles.

Le casse-tête de la récupération des paramètres pour 30 millions de foyers

La première question qui se pose est la récupération des données permettant le calcul du volume de base des logements.

Pour les personnes assujetties à l’impôt, la déclaration du mode de chauffage se fera annuellement sur la feuille d’impôt. Pour les autres… ce n’est pas clair.

Pour les chauffages collectifs, ce sont les titulaires du contrat de fourniture d’énergie qui devront déclarer la surface chauffée.

L’administration fiscale et les organismes de sécurité sociale seront ensuite chargés de remettre l’ensemble des informations nécessaires au calcul des tarifs progressifs aux fournisseurs d’énergie. Il est probable que la mise à disposition de ces informations soit déléguée à un organisme tiers qui assurera la consolidation et la transmission de ces informations aux fournisseurs d’énergie.

Le montant des subventions et des taxes sera déterminé chaque année par décret afin de garantir l’équilibre budgétaire de ce dispositif qui doit être assuré par un principe à priori simple : le montant des malus appliqués doit compenser les subventions accordées.

Une proposition de projet de loi encore incomplète et laissant de nombreuses interrogations

La Californie et le Japon ont adopté des mesures comparables avec des résultats plutôt satisfaisants sur la réduction de la consommation d’énergie alors que l’Allemagne et la Belgique ont rejeté de telles mesures par manque de justice sociale… Le débat est ouvert !

Le projet de loi propose d’élargir ce dispositif par la suite aux autres énergies dites « hors réseau » comme le fioul, le propane, le bois de chauffage ainsi qu’à l’eau. En attendant cet élargissement, une distorsion concurrentielle entre les énergies sera créée.

La Tarification Progressive de l’Energie n’a aucun intérêt sans un dispositif clef d’accompagnement des consommateurs dans la rénovation thermique de leur logement. Malheureusement, le projet de loi est encore très flou et prévoit très peu de dispositions pour encourager les consommateurs à isoler thermiquement leur foyer.

Par ailleurs, cette nouvelle tarification est un réel accélérateur pour la généralisation des dispositifs de suivi et de maitrise de sa consommation d’énergie, comme les compteurs intelligents type « Linky » ou les box énergie.

De nombreuses questions restent ouvertes à l’heure actuelle : quel barème pour les résidences secondaires ? Comment récupérer le mode de chauffage pour les personnes non assujetties à l’impôt ? Quel est le coût de mise en place d’un tel dispositif pour le gouvernement ? Comment calculer les bonus/malus en cas de changement de situation en cours d’année ? Autant de questions qui devront trouver leurs réponses dans les prochains mois… et sur lesquelles nous ne manquerons pas de nous pencher.

[Article rédigé en collaboration avec Charles Cauche, consultant]

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