Services à la personne, levier d’évolution du métier de l’assureur ?

Garde d’enfant ou aide ménagère au retour d’hospitalisation, auxiliaire de vie ou téléassistance pour une personne âgée en perte d’autonomie, soutien psychologique pour les aidants familiaux, … La tendance à l’intégration de services est de plus en plus perceptible depuis quelques années. Les acteurs de la protection sociale et de l’assurance ne s’y trompent pas : la différenciation concurrentielle se jouera de plus en plus sur les services proposés à leurs adhérents, au-delà des garanties de base des divers contrats. Pour autant, il ne s’agit pas d’en faire de simples innovations « cosmétiques », mais de s’inscrire dans une perspective plus large de compréhension et d’enrichissement du parcours client.

Une population de plus en plus demandeuse de services d’accompagnement

L’allongement de l’espérance de vie et sa conséquence, le vieillissement de la population, l’évolution de la cellule familiale (famille monoparentale, féminisation du travail), l’allongement de la durée du travail : autant de phénomènes qui vont dans le sens d’un besoin croissant en services d’accompagnement au quotidien. S’appuyant sur les « assisteurs » (et plus récemment sur les enseignes*[i]), les acteurs de l’assurance et de la protection sociale ont progressivement intégré des services dans leurs contrats, à commencer par le rapatriement et l’assistance automobile. Depuis quelques années, les solutions de services se développent plus largement. Un développement notamment soutenu par la loi Borloo[ii] de 2005 sur la solvabilisation des services à la personne, ou les évolutions réglementaires telle que la création du droit à compensation pour les personnes victimes d’un handicap, qui peut se traduire en termes de compensation en nature.

Ainsi, les contrats dépendance ou les quelques offres dédiées aux aidants (à titre d’exemple, « Assurance Autonomie » ou « Aide aux aidants » d’Ag2r La Mondiale, « Présentalis 2 » et « Solutions aidants » d’Allianz, « Indépendance Services » de la Mutualité Française, etc.) sont aujourd’hui une opportunité pour un nombre croissant d’acteurs de proposer des services en inclusion (« loi Borloo » ou autres).

Quelle stratégie de service(s) pour les assureurs ?

Pour autant, la mise en place de services, et plus globalement le développement d’une stratégie de service(s), est un processus lent pour l’assureur. Il nécessite d’avoir une vision à plus ou moins long terme sur le type de relation que l’on souhaite construire avec ses clients. En reprenant la distinction proposée par le sociologue Philippe Zarifian[iii], on peut caractériser 3 niveaux de services :

  • les services « routinisés », sans interprétation des attentes du client final, et donc sans réelle rencontre entre l’offre et la demande
  • les services proposant une réponse à une attente comprise et interprétée, cette réponse restant proche des standards. Le rôle de l’intermédiation prend alors plus de valeur
  • les services où en plus de l’interprétation et de la compréhension, il faut construire pour et avec le client une solution singulière

Le niveau de service est naturellement à définir et affiner également en fonction de la typologie de clientèle ciblée : par exemple, la co-construction de solutions personnalisées avec le client pourrait prendre toute sa valeur auprès d’une clientèle haut de gamme. Ou encore, les services plus standardisés, mais prenant un minimum en compte les attentes du client, ont tout leur sens dans une offre dépendance, et ce dès l’apparition des premiers effets du vieillissement et non seulement quand la personne est très dépendante (c’est tout l’enjeu de la prévention mais aussi du conseil autour des nombreux dispositifs de prise en charge existants).

En fonction du niveau de densité de service voulu, la relation avec le client n’a pas la même profondeur. Plus le service est personnalisé et personnalisable, plus le rôle de l’intermédiaire ou du conseiller prend de l’ampleur et apporte, s’il est bien fait, une vraie valeur ajoutée par sa compétence d’analyse de la demande et d’assemblage de solutions. Qui dit intermédiation de qualité, dit à la fois évolution de la posture métier face au client, et  mise en place et suivi de partenariats fiables pour élargir le spectre des solutions, les divers acteurs de l’assurance et de la protection sociale n’ayant pas vocation à couvrir tous les domaines.

La réflexion sur un modèle économique pérenne doit également être menée. Elle peut s’appuyer sur les retours d’expérience des « assisteurs » et des enseignes de services à la personne qui montrent que les modèles faisant supporter le coût de l’intermédiation au client final ne sont guère pérennes, et qu’il vaut mieux intégrer les coûts à une garantie globale, souvent collective (B to B to C). Elle doit aussi innover en s’appuyant sur l’adaptation de modèles actuariels.

Vers une évolution du métier de l’assureur

Sans dénaturer le cœur de métier de l’assurance qui est de couvrir un risque, le développement du service au sens large (intermédiation/conseil et prestations) vient au contraire l’enrichir sur de nombreux plans. D’une protection souvent financière, le métier a tout intérêt à évoluer vers une protection plus globale, prenant en compte les attentes sociétales et venant, dans certains cas, en complément des politiques publiques. Cette stratégie de service, au sens large du terme, est un puissant levier de transformation : elle peut constituer en soi un projet d’entreprise pour le secteur, et contribuer à un changement de regard progressif sur l’assurance.

 


[i] enseigne : les enseignes ont été instaurées par la loi Borloo (cf ci-dessous). Elles sont des plateformes de distribution et d’intermédiation de services dont le rôle est d’aider à structurer le marché, notamment en mettant en contact l’offre et la demande.

[ii] Loi Borloo de 2005, dite loi de cohésion sociale : elle prévoit la mise en œuvre du plan services à la personne qui visait la création de 500 000 emplois en 3 ans. Parmi ses diverses mesures, on peut citer la création du CESU (Chèque Emploi Service Universel), de l’ANSP (Agence Nationale des Services à la Personne), l’allègement des charges sociales pour les particuliers employeurs, des exonérations de charges patronales pour les prestataires de services, …

[iii] Jean Gadrey et Philippe Zarifian, L’émergence d’un modèle du service, ed. Liaisons, 2002

 

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