La réclamation : un sujet au cœur de la relation client, aux frontières encore floues…

En ces périodes économiques tendues, la protection du consommateur est un thème porteur pour les sphères politiques et associatives. Le traitement des réclamations et les modalités de recours en cas de litige en constituent un volet important. Du côté de la loi, comme du côté de l’entreprise, le sujet revient sur le devant de la scène.

La réclamation : des avancées sur la scène législative…

Sur la scène française, le projet de loi sur la consommation a été adopté par le Sénat le 13 septembre 2013. Il vise à rééquilibrer les rapports de force entre professionnels et consommateurs, notamment en renforçant l’information du client sur internet et en facilitant les actions de groupe.
Côté Union Européenne, la Directive relative au règlement extrajudiciaire des litiges (REL ou ADR en anglais), et le Règlement relatif au règlement en ligne des litiges (RLL ou ODR en anglais) ont été adoptés par le Parlement le 12 mars 2013. La Médiation, dispositif indépendant et dernier recours du consommateur avant une éventuelle action en justice, y est à l’honneur.
Dans les débats, il ressort plusieurs points de convergence entre les acteurs politiques, institutionnels et associations de consommateurs : la nécessité d’améliorer l’information du client (différents moyens de réclamer ou de contester) et de développer les voies de recours, l’intérêt de la Médiation pour préserver la confiance et éviter des contentieux longs et coûteux, ou encore l’intégration d’internet dans les processus pour un traitement plus efficace des réclamations clients.

… mais une définition des réclamations qui divise toujours côté entreprise

Partant d’une définition très restrictive, de nombreuses entreprises ont progressivement élargi le champ de la réclamation. L’enjeu pour elles est de capter le maximum d’insatisfactions pour les traiter au plus tôt et prévenir les véritables réclamations. La logique d’ « expérience client » les a également conduites à faire leur des réclamations dépassant leur stricte champ de responsabilité (par exemple celles liées à l’intervention de distributeurs, de sous-traitants…). La notion même de « client » s’est élargie à d’autres publics, en contact avec l’entreprise (partenaires, institutionnels, associations de consommateurs…).

La réclamation se définit ainsi aujourd’hui couramment comme « tout contact (oral ou écrit), quel que soit le support, spontané ou provoqué, direct ou via un tiers, par lequel le client exprime une insatisfaction ».
Pourtant, avec le temps, on constate un retour en arrière de certains acteurs vers une définition à nouveau plus étroite, au moins dans les modes opératoires. Pour être reconnu comme « réclamation », l’expression du mécontentement doit être explicite (c’est-à-dire souvent écrite) et porter sur un objet très précis. Ainsi : « les prix sont trop élevés » ne constitue pas une réclamation alors que « je suis mécontent de l’augmentation de mon abonnement à tel service » en est une. Autre forme de restriction possible : si le mécontentement est résolu immédiatement par le front-office, il s’agit d’une « demande client », mais pas d’une réclamation.

Comment expliquer ce surprenant retour en arrière ? D’une part, par les difficultés constatées dans l’appréciation de la frontière « demande / insatisfaction / réclamation », se traduisant par des pratiques hétérogènes d’enregistrement et de qualification des réclamations. D’autre part, par les difficultés de suivi et de tenue des objectifs de délai. Pour compliquer le tout, l’ouverture de nouveaux canaux, à l’instar des réseaux sociaux, multiplie les contacts et crée un dialogue plus instantané avec le client. La réclamation n’est plus un échange privé entre un individu et l’entreprise, elle est désormais visible par tous les internautes, qui surveilleront la réaction de l’entreprise et seront prompts à rebondir sur la base de leurs propres déboires. Ceci rend encore plus malaisée l’appréciation du moment où une demande devient réclamation.

Ce choix du périmètre des réclamations, comme on le voit, n’est pas anodin. Il oriente déjà les choix sur le dispositif de traitement des réclamations. Mais ceci est une autre histoire… que nous traiterons dans un prochain article.

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