Réforme de la formation professionnelle, de l’emploi et de la démocratie sociale, quelles nouveautés sur le plan RH ? Zoom sur le compte personnel de formation (CPF).

Le Projet de Loi concernant la formation professionnelle, l’Emploi et la démocratie sociale né de l’ANI du 14 Décembre 2013 a été adopté définitivement le 27 Février dernier. Amputée de sa partie concernant l’inspection du travail, la réforme transpose dans les grandes lignes l’Accord signé en décembre… Zoom sur le deuxième volet clé de cette réforme, le compte personnel de formation (CPF).

Un nouveau DIF, tourné vers la qualification

Le compte personnel de formation est la mesure phare de la loi sur la formation professionnelle.

Son objectif est de “donner à chacun les moyens d’évoluer professionnellement et de sécuriser son parcours professionnel” notamment en progressant d’au moins un niveau de qualification au cours de sa vie professionnelle ou en obtenant une qualification dans le cadre d’une reconversion. Ce nouveau droit remplace le DIF (Droit individuel à la formation).

 Un compte qui vous suit tout au long de votre carrière

Le compte personnel de formation est ouvert à tous les actifs, son ouverture sera effective à l’entrée sur le marché du travail dès 16 ans (15 ans pour le jeune qui signe un contrat d’apprentissage) et jusqu’au départ à la retraite. Le compte est “universel” et “individuel” :  toute personne (jeune sortant du système scolaire, salarié, chômeurs et, à terme, les fonctionnaires, les travailleurs indépendants…) “indépendamment de son statut”, disposera d’un compte personnel de formation. Les salariés qui changent d’emploi ou qui alternent fréquemment périodes d’emploi et de chômage sont assurés de conserver leurs droits à la formation.

Le compte personnel de formation ne peut être débité sans l’accord exprès de son bénéficiaire et ne peut jamais être diminué du fait d’un changement d’employeur, quelle que soit la fréquence des changements. Le refus de son titulaire de le mobiliser ne constitue pas une faute. En cas de licenciement, les heures de CPF restent créditées sur le compte, y compris en cas de licenciement pour faute lourde.

Le compte personnel de formation est “intégralement transférable”. Quel que soit son employeur et son parcours, le bénéficiaire peut y accéder, qu’il soit salarié ou demandeur d’emploi, il conserve son droit tout au long de sa vie professionnelle.

Sur le même principe que le DIF, le compte personnel de formation est alimenté en heures à la fin de chaque année. Toutefois, plus généreux que son prédécesseur, il permettra à son bénéficiaire d’accumuler 150 heures de formation sur 7 ans (24 heures par an jusqu’à 120 heures, puis de 12 heures par an jusqu’à la limite de 150 heures au total) pour un travail à temps complet (contre 120 heures sur 6 ans pour l’actuel DIF).

Les heures portées au crédit du compte personnel de formation le demeurent en cas de changement de statut et jusqu’à la mobilisation du compte ou départ à la retraite de son titulaire.

Pour les périodes de travail à temps partiel, l’alimentation du compte est calculée proportionnellement au temps de travail effectué, sous réserve de dispositions plus favorables prévues par un accord d’entreprise, de groupe ou de branche.

L’entrée en vigueur du compte personnel de formation au 1er janvier 2015, entraînera la fin du DIF. En effet, les heures acquises au titre du DIF et non utilisées à cette date par son bénéficiaire, seront portées au crédit du compte personnel de formation.

Quant au congé individuel de formation (CIF), il bénéficiera de financements supplémentaires pour augmenter le nombre de bénéficiaires.

 Une logique d’offre et de demande appliquée à la formation

Le compte personnel de formation est destiné à financer des formations obligatoirement qualifiantes et ” correspondant aux besoins de l’économie prévisibles à court ou moyen terme ” notamment celles qui sont inscrites au Répertoire national des certifications professionnelles, les certificats de branches, les formations permettant d’acquérir le socle de connaissances et compétences (maîtrise de la langue française, connaissances de base en mathématiques…).

Qu’il s’agisse des salariés ou des demandeurs d’emploi, les formations ” CPF ” devront figurer sur des listes élaborées soit par les branches professionnelles, soit au niveau interprofessionnel par les partenaires sociaux qui ont négocié l’ANI (accord national interprofessionnel) du 14 décembre 2013, soit par les Régions.

Le CPF pourra également être mobilisé pour compléter une formation déjà partiellement acquise, notamment dans le cadre d’une Validation des acquis de l’expérience (VAE).

 Le CPF, quelles modalités pratiques ?

 Le salarié qui souhaite utiliser les jours de son compte personnel de formation, devra faire face à différentes modalités :

  •  Pour une formation réalisée hors temps de travail, le salarié pourra s’affranchir d’une demande à son employeur pour utiliser son CPF, ce qui n’était pas le cas pour le DIF. Par ailleurs,  aucune allocation de formation ne sera due au salarié, ce qui n’était le cas pour le DIF.
  • Pour une formation sur le temps de travail, un accord de l’entreprise sera nécessaire. La rémunération du salarié sera maintenue. Seules exceptions : les stages visant l’acquisition du socle de connaissances (lire, écrire, compter…) et de compétences (bureautique, informatique, langues étrangères…) ainsi que ceux prévus par accord de branche ou d’entreprise. En synthèse, lorsque la formation sera suivie tout ou partie pendant le temps de travail, le salarié doit demander l’accord préalable de l’employeur sur le contenu et le calendrier de la formation. L’entreprise sera tenue de lui faire connaître sa réponse dans un délai qui sera mentionné par décret. L’absence de réponse vaudra acceptation.
  • Pour les demandeurs d’emploi, aucun accord préalable du Pôle Emploi ne sera nécessaire à l’utilisation du CPF. Leurs formations seront prises en charge par le FPSPP.
  • Pour les personnes en arrêt de travail, la période d’absence du salarié pour un congé de maternité, de paternité et d’accueil de l’enfant, d’adoption, de présence parentale, de soutien familial ou un congé parental d’éducation ou pour une maladie professionnelle ou un accident du travail est intégralement prise en compte pour le calcul des heures de CPF.
  • Les frais de formation, les frais pédagogiques et les frais annexes (transport, hébergement…) sont pris en charge par l’employeur lorsque l’entreprise a conclu un accord d’entreprise sur le compte personnel de formation. En l’absence d’accord, les frais de formation seront pris en charge par l’Opca (Organisme paritaire collecteur agréé).

Un changement qui ne rime pas avec simplification

Avec la mise en place de la CPF, l’Opca (organisme paritaire collecteur agréé), est au cœur du système. A ce titre, il validera avec les FPSPP (Fonds paritaire de sécurisation professionnelle), le nombre d’heures créditées sur le compte de chaque personne. Il prendra en charge les frais de formation en l’absence d’accord dans les entreprises sur le CPF.

Le compte personnel de formation c’est aussi, la possibilité pour différents organismes d’effectuer des dotations complémentaires aux heures du CPF accordées, pour permettre à son bénéficiaire d’accéder à une formation qualifiante pour laquelle les heures acquises sont insuffisantes.

Cet abondement peut être réalisé par l’employeur (éventuellement par accord d’entreprise), la personne elle-même, un accord de branche (au moyen des périodes de professionnalisation par exemple), Pôle emploi (via une POE/Préparation opérationnelle à l’emploi notamment), la Région, l’Etat…

Les personnes handicapées pourront bénéficier d’un abondement de leur CPF par l’employeur et par l’Agefiph.

Un mécanisme d’accompagnement est prévu pour tout salarié souhaitant mobiliser son compte personnel, sous la forme d’un “conseil en évolution professionnelle” extérieur à l’entreprise (information/conseil sur l’évolution des métiers sur les territoires, les offres d’emploi adaptées à ses compétences…). Ce nouveau conseil sera mis en place dans le cadre du futur Service public régional de l’orientation.

Ce qui semble se dégager de cette nouveauté pourrait poser de vrais problèmes organisationnels

  • L’accès à des formations dites « d’acquisition de socle de connaissances » ne reposerait plus sur un accord de l’entreprise… Particulièrement s’agissant de formations de langues étrangères ou encore de bureautique, il sera nécessaire d’organiser en interne de chaque entreprise ce qui en rendrait le cadre de réalisation cohérent avec l’organisation du travail…
  •  Lorsque l’accord de l’employeur sera nécessaire, il s’agira d’être attentif au délai de réponse… sinon : acceptation de fait !
  •  Le crédit d’heures, sensiblement augmenté (en durée et nombre d’heures), devrait être réellement « transférable » sans que, pour autant, les modalités de financement soient très lisibles (par exemple, s’il y avait enchaÏnement de périodes travaillées et/ou de chômage…). L’enchevêtrement des parties prenantes devra être suivi de près…

Comme pour toute nouvelle loi, l’esprit devra être analysé au jour de la lettre ! Même si l’esprit semble propice à un rééquilibrage d’accès à la formation professionnelle, nous verrons si la lettre rejoint le « choc de simplification »… Les DRHs devront cependant bien en analyser le contenu pour rester maîtres de leur plan de formation !

 

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