La gestion des risques sous Solvabilité 2 : quelle intégration dans le secteur de la mutualité ?

Solvabilité 2 impose petit à petit une gestion des risques accrue dans le secteur de l’assurance et la protection sociale. De nombreux établissements de ce secteur se sont déjà mis en ordre de marche afin de se conformer à ces nouvelles exigences. Nous avons voulu savoir de quelle façon un de ces établissements avait intégré ce nouveau pan de la réglementation. Alban Jarry* et Serge Marcante** de la Mutuelle Générale ont accepté volontiers de répondre à nos questions.

La directive-cadre Solvabilité 2 date de 2009. Nous sommes presque en 2015. D’après vous, quelles ont été les plus grandes avancées du secteur de la mutualité sur la gestion des risques ?

Alban Jarry : Un meilleur adressage des éléments pouvant générer des risques qui améliore progressivement la transparence dans la remontée d’informations et, par conséquent, un meilleur pilotage de l’entreprise. Aujourd’hui, il est possible d’avoir des tableaux de bords plus précis sur les risques financiers, assurantiels, opérationnels ou environnementaux. Cartographier les risques et les anticiper permet de mieux informer la gouvernance et de l’éclairer dans sa prise de décision.

Serge Marcante : À la Mutuelle Générale, nous avons mis en place fin 2013 une Direction des Risques et de la Qualité (DRIQ) indépendante des directions opérationnelles. Elle regroupe quatre services qui permettent de couvrir les problématiques liées aux risques et à la surveillance des processus : la gestion des risques, la sécurité, la conformité et la qualité. Avant même la mise en application de la Directive, cette direction va permettre au Conseil d’Administration de disposer de toutes les informations sur les risques stratégiques qui peuvent affecter le profil de risque de la mutuelle et ainsi de les anticiper.

Plus particulièrement à la Mutuelle Générale, où en êtes-vous dans la mise en place de la fonction « Risques », l’une des quatre fonctions clés définies par Solvabilité 2 ?

SM : Cette fonction sera localisée (dès l’entrée en vigueur des textes législatifs) au sein de la DRIQ dans la Direction des Risques. Elle assurera le respect de l’article 44 de la Directive. Nos politiques de risques et de gouvernance sont en cours de finalisation et seront applicables pour 2016. Il est important de se préparer, dès à présent, aux échéances réglementaires qui vont arriver dans un peu plus d’un an.

AJ : Nous améliorons continuellement notre dispositif de surveillance des risques et les cartographions. C’est un travail collaboratif et nous nous appuyons, en particulier, sur la Direction de la Qualité et du Développement Durable qui a rédigé la plupart des processus et permis de mieux cartographier les risques opérationnels. Pour les risques assurantiels et financiers, nous nous sommes dotés d’outils de surveillance qui permettent de les suivre et de calculer, en particulier, les éléments quantitatifs du pilier 1.

Avez-vous déjà défini de quelle façon l’AMSB, notion nouvelle en France, va être constituée ?

SM : Nous attendons la transposition en droit français de l’AMSB pour finaliser notre organisation sur ce point et notamment sur le principe des « quatre yeux ». Ce point est toujours en cours de négociation avec les autorités.

Un des objectifs de l’ORSA est de développer la culture du risque à chaque échelon de l’établissement et de mobiliser l’ensemble des acteurs. Aujourd’hui, quels sont selon vous les acteurs les plus sensibilisés ?

SM : L’ensemble de la chaîne de décision et de gouvernance est progressivement sensibilisé : le Conseil d’Administration, la Présidence, la Direction Générale Déléguée, les membres du Directoire et du Comex. Il est primordial que tous soient informés et participent à la surveillance des risques.

AJ : Nous avons une structure de contrôle en trois niveaux assez classique : les directions opérationnelles, la DRIQ puis l’Audit. Au niveau des directions opérationnelles, nous sommes en train de renforcer la surveillance des risques avec la création de « correspondances DRIQ » qui seront les premiers relais de notre direction dans la structure. Il est important que les collaborateurs soient sensibilisés car ce sont les premiers acteurs d’une amélioration continue de la qualité.

La gestion des risques telle que requise par Solvabilité 2 est-elle jugée comme étant une opportunité au sein des établissements ou comme un frein au développement ?

SM : La performance exigée par Solvabilité 2 en matière de gestion du risque est une opportunité pour la structure et doit participer à son développement en l’aidant à mieux appréhender les risques inhérents à chaque décision et à mieux les maîtriser quand ils se présentent. Plus largement, la collecte de données et de simulations, le fait de devoir repenser la culture du risque et d’affiner les outils de gestion internes sont autant d’éléments positifs pour l’entreprise.

Selon vous, quels sont les facteurs clés de succès pour une bonne gestion des risques dans un établissement du secteur de la mutualité ?

AJ : Une bonne gestion des risques nécessite de tenir compte du principe de proportionnalité et de maîtriser les budgets affectés à leur surveillance. Surtout, il faut être pragmatique dans la prise de décision. Les fondations d’une bonne maîtrise des risques reposent avant tout sur notre capacité à faire preuve de bon sens. C’est dans ce but que nous avons réorganisé l’actif et avons retenu un unique dépositaire. Nous travaillons aussi avec nos différents délégataires de gestion pour optimiser nos traitements liés au passif. Dialoguer avec les autres acteurs du secteur en participant à des travaux de Place facilite aussi grandement la mise en place de Solvabilité 2.

A contrario, s’il n’y en avait que deux à citer, quels sont les écueils à éviter ?

SM : Le premier écueil serait de considérer que les nombreuses règles et procédures instaurées par Solvabilité 2 en matière de maîtrise des risques doivent se subsister au bon sens élémentaire, primordial dans ce domaine. La deuxième erreur serait de négliger le principe de proportionnalité, au risque de construire une usine à gaz et de perdre de vue l’objectif essentiel : maîtriser les risques de l’entreprise.

 

*Alban JARRY, Directeur du Programme Solvabilité 2 et de la Mutuelle Générale, Vice-Président de XBRL France.
**Serge MARCANTE, Directeur des Risques et de la Qualité et membre du Directoire de la Mutuelle Générale

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