Valorisation des données dans l’énergie, comment rattraper le retard ?

La valorisation des données suppose la mise en œuvre d’une démarche nouvelle : diversité des compétences nécessaires, incertitude du résultat, nécessité d’une approche innovante résolument tournée vers le futur… Comment réussir une telle démarche ?

Des freins bien présents que le secteur de l’énergie doit apprendre à maîtriser

Il existe un certain nombre de freins à la démarche de valorisation des données. Ceux-ci concernent en premier lieu le cadre externe qui dispose de sa propre logique. D’autre part, les processus, référentiels, ainsi que la culture des grands groupes sont souvent peu adaptés.

Un cadre législatif et normatif incertain

Quel que soit le secteur d’activité, le droit de la donnée est un sujet sensible, en particulier dans le cadre de la CNIL. Il s’agit de savoir jusqu’à quel niveau de détail on peut agréger les données et ce que l’on est en droit d’en faire.

Pour le secteur de l’énergie, il faut aussi prendre en compte le cadre régulatoire de la CRE* qui s’ajoute à l’environnement réglementaire général. Deux freins principaux doivent être surmontés : un cadre précis et contraignant de propriété et de circulation des données entre les acteurs, ainsi qu’un processus d’instruction et de validation de catalogues de prestations peu adapté à une démarche d’innovation foisonnante.

Pour les énergéticiens historiques, le droit de la concurrence constitue une limite forte : comment différencier et diversifier son activité en gérant le risque lié au concept « d’acteur dominant » ?

Enfin, et en dehors de toute notion réglementaire, le sujet est marqué par l’incertitude sur les standards et normes qui s’imposeront dans le futur.

Des processus et référentiels internes peu adaptés

Les processus et la définition claire des responsabilités font la force des grands groupes. Ils peuvent s’appuyer dessus pour garantir la fiabilité des données. Un assouplissement est toutefois nécessaire pour s’adapter aux besoins d’agilité des initiatives de valorisation de la donnée. Avec des cycles de planification à pas annuel et une certaine frilosité pour prendre des initiatives quand le ROI reste incertain, l’environnement traditionnel des grandes entreprises n’offre pas la réactivité nécessaire aux projets innovants.

La posture recommandée n’est pourtant pas d’attendre qu’un ROI positif soit garanti pour démarrer mais de décider combien l’entreprise est prête à perdre pour un projet ayant de bonnes probabilités de succès. Force est de constater que les startups sont aujourd’hui beaucoup plus aguerries que les grands groupes pour mettre en œuvre ce principe, malgré les moyens plus conséquents dont disposent ces derniers.

Bien souvent, la répartition de la propriété des données en interne est également un frein et ralentit leur assemblage et leur recombinaison. Au contraire, les initiatives de valorisation de la donnée gagneraient à être réalisées dans une approche transversale et ouverte, positionnant ces informations comme un bien commun.

Les énergéticiens doivent dépasser leurs carcans culturels

L’histoire et l’expérience des grands groupes de l’énergie est parfois un frein à la démarche de valorisation de la donnée. Tout d’abord, il est difficile de s’émanciper des business models établis parce que cela implique une prise de risque. D’autre part, le cloisonnement interne peut freiner les démarches et regards transverses.

En outre, la difficulté de mise en œuvre des partenariats n’est pas négligeable. Elle relève de la crainte d’une «fuite de valeur » et d’une hégémonie relationnelle qui se caractérise par un rapport « donneur d’ordre / prestataire » très différent du modèle partenarial. Enfin, les groupes français se contentent parfois de retours d’expérience de projets nationaux sans s’enrichir, en complément, des retours d’expérience d’autres zones géographiques.

Des leviers réels et disponibles à mobiliser pour valoriser la donnée dans l’énergie

Mettre en place une démarche de valorisation des données peut être facilité par quelques actions clés.

1 – Mettre en évidence la nécessité de la démarche

L’immobilisme entraîne des risques importants à terme pour l’entreprise. Ces menaces peuvent être soulignées aux acteurs internes pour les mobiliser. On peut citer par exemple le risque d’interposition : si l’entreprise  ne valorise pas elle-même ses données, d’autres le feront à sa place, ce qui aura des conséquences sur son business. Il peut aussi être pertinent de pointer les initiatives et les nouveaux acteurs qui agissent et peuvent générer des impacts sur la position de l’entreprise.

2 – Promouvoir la « data value attitude »

Afin de réussir cette démarche de valorisation des données, il est essentiel de développer l’ouverture et l’intelligence collective, interne et externe, ainsi que de s’appuyer sur la créativité et les compétences des start-ups. Des digital natives peuvent notamment être recrutés pour enrichir les équipes de l’entreprise.

Il est également nécessaire d’adapter les business plans à la souplesse des projets de valorisation de la donnée. Pour cela il faut, d’une part, rechercher un business rentable en s’appuyant sur les résultats tout en  reconnaissant la prise de risque d’un tel projet.

D’autre part, il faut faire preuve d’opportunisme. Enfin, il faut adopter un rythme dans la prise de décision qui permette de garantir une progression par petites étapes mais sans retour en arrière.

Dernier élément de « data value attitude », il est indispensable de rechercher explicitement les partenariats win-win en identifiant et organisant les bénéfices réciproques dans la durée et en impliquant le juridique comme une expertise au service du succès.

3 – Obtenir des succès grâce à l’expérimentation

Sur les grandes facettes que sont les bénéfices clients et les bénéfices industriels, il apparaît nécessaire de conduire les projets par étapes avec des POCs et des démonstrateurs.

Les clients doivent être intégrés à cette démarche afin d’identifier, tester et développer des services utiles,  visibles, simples, fiables et attractifs. Cela permet d’associer une pensée créative sur les usages avec les besoins fondamentaux.

L’entreprise doit quant à elle identifier, tester et développer des services optimisant la performance industrielle. Il peut par exemple s’agir de travailler sur le pilotage, la dématérialisation des processus ou encore la maintenance prédictive.

Vaste mais nécessaire programme pour le secteur de l’énergie !

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