L’Assurance à l’ère du Big data : quelles perspectives ?

La chaîne de valeur assurantielle peut être améliorée en s’appuyant sur les apports technologiques du Big data. Ces optimisations peuvent être graduelles dans la rupture à opérer. Il est donc possible de construire des stratégies d’évolution à différents horizons allant de l’optimisation du process existant à une toute nouvelle proposition de valeur.

L’attente des assurés a aussi évolué et il est nécessaire de considérer le produit d’assurance sous l’angle du besoin global du client. En Santé par exemple, il conviendrait non seulement de répondre à son attente de remboursement de frais de soins mais aussi de considérer le bien-être, la nutrition, l’activité physique et sportive, l’accompagnement du vieillissement et la protection du cercle familial.

Pour élargir le champ d’action de l’Assureur et construire de nouveaux services apportant plus de proximité avec les assurés, nouer des partenariats apparaît comme une solution pertinente. Solution permettant de partager les informations, les données et amortir les coûts. Ce fonctionnement en partenariat est idéal afin d’ intégrer des objets connectés pour lesquels la modélisation, la construction et le service après-vente restent à la charge de l’industriel. La domotique, les compteurs électriques, les objets de mesure médicaux ou les assistants de vie pour la dépendance en sont autant d’exemples.

En allant plus loin, une nouvelle voie pourrait consister à concevoir des produits tirant parti des nouveaux aspects prescriptifs. Il conviendrait de proposer des protocoles de prévention et démarches à suivre pour atteindre un résultat calculé et garanti par l’Assureur. Ce dernier s’engagerait alors à indemniser en cas de non atteinte du résultat. L’Assureur ne couvrirait plus un bien ou une personne, mais garantirait un résultat, ouvrant ainsi la possibilité d’une assurance à l’usage. Cette voie est d’ores et déjà initiée pour le secteur agricole, notamment entre la start-up The Climate Corporation et le géant de la biotechnologie agricole Monsanto. Ce partenariat consiste à proposer un protocole, ajusté en fonction de nombreux paramètres, qui garantit le rendement agricole. Si le protocole n’aboutit pas au résultat escompté, une indemnité est versée à l’agriculteur. Cette logique prescriptive ne repose donc plus sur les données historiques de sinistralité. Elle permet ainsi à de nouveaux acteurs comme les GAFAM ou mêmes des industriels de se positionner, faisant planer une véritable menace sur les acteurs historiques de l’Assurance.

 

                             La chaîne de valeur de l’Assurance à l’ère du Big data

3 fonctions de la chaîne de valeur sont particulièrement impactées par le Big data. Le marketing et la lutte anti-fraude ont des niveaux de maturité plutôt élevés et peuvent avoir une application proche des process existants. Le Pricing est davantage en rupture par rapport au business model en place.

Le marketing devient data driven

Côté marketing, les enjeux majeurs sont de pouvoir qualifier en temps réel les cibles, de transformer un prospect en client ou de détecter, à la moindre alerte, un risque d’attrition. Pour ce faire, il faut exploiter la quantité de données disponibles en adéquation avec une stratégie pertinente. Le marketing est ainsi devenu data driven, plaçant les données au cœur de sa démarche.

Alors qu’un foyer sur deux résilie son contrat habitation au moment de déménager, l’enjeu pour les assureurs est de pouvoir déceler les signaux précurseurs de ce changement. Comment, dès lors, détecter le bon signal, au bon moment ? A l’ère du tout connecté, les clients sèment des informations, parfois même sans le savoir, créant de la donnée on-line captée puis collectée par des spécialistes du marketing digital. En exploitant par exemple les données de navigation d’un client souhaitant déménager, telles que les cookies et autres traces digitales (visite de sites de déménagement, de travaux…), il devient possible pour un assureur de détecter à temps l’intention de déménagement et d’agir en fonction. Une offre, adaptée aux besoins, sur la bonne temporalité, peut alors être proposée au client. Le bénéfice sera pour ce dernier une simplification de ses démarches et dans certains cas une adaptation tarifaire. Le client est satisfait et le taux de rétention chez l’assureur amélioré.

Ces évolutions sont rendues possibles au travers d’une Data Management Platform (DMP), plateforme technologique qui réalise la convergence des données internes (off-line) de l’assureur aux données on-line. Ainsi croisée, la connaissance client est largement enrichie. Ces solutions permettent de mieux cibler les efforts avec une meilleure qualification des cibles et de la temporalité associée. Il est également possible pour les assureurs de mieux comprendre leur audience.

La lutte contre la fraude ou la délinquance

Avec environ 20% des cas de fraude qui ne sont pas détectés en IARD (Incendies, Accidents et Risques Divers) et un impact évalué à 2,5 milliards d’euros par an (soit 5 à 7 points sur le ratio sinistres / primes), la lutte contre la fraude est devenue un élément fondamental de la maîtrise des risques pour les assureurs. Le renforcement des équipes est donc plus que jamais une nécessité (source ALFA, Association de Lutte contre la Fraude à l’Assurance, rapport annuel 2014).

La professionnalisation de la sécurité financière

Aujourd’hui, la lutte contre la fraude s’est professionnalisée avec le déploiement d’équipes centralisées, spécialisées et dotées d’outils informatiques dédiés, travaillant en lien avec les Métiers. Cela permet d’avoir d’une vision globale, transverse, multi-métiers des clients et des tiers. Les contrôles sont plus élaborés : blocage a priori des transactions, filtrage et scoring des clients, corrélation d’événements multiples, analyses comportementales et prédictives, mise en évidence de réseaux… Toutefois, les solutions actuelles restent dépendantes de la qualité des données, coûteuses, complexes et longues à déployer.

L’aboutissement : une baisse de la fraude au bénéfice du client

Le Big data apporte de nouvelles solutions permettant l’agrégation d’une plus grande variété de données, tout en étant moins sensible à leur qualité. Cette avancée va dans le sens d’un outil unique et adapté traitant l’ensemble des modes de surveillance, tout en respectant la ségrégation nécessaire des données et traitements.

Ces solutions innovantes favorisent la réactivité des fonctions de sécurité financière et une meilleure qualité de la relation client :

  • En introduisant des corrélations nouvelles, l’approche Big data permet un pilotage plus souple, plus évolutif et en temps réel. La centralisation de la surveillance favorise la cohésion de l’ensemble des acteurs (métier, MOA et informatique) avec une souplesse des analyses, une réactivité des contrôles face à de nouvelles menaces.
  • Grâce à la baisse du coût de la fraude, un retour sur investissement est directement perceptible par la Direction Générale. Une hausse des garanties et / ou une baisse des cotisations redeviennent possibles, impactant positivement la relation client. L’amélioration du process par l’automatisation des contrôles génère une accélération des délais de traitement des sinistres, et une meilleure qualité des prestations… Ces actions ont également un effet dissuasif envers les fraudeurs et induisent par voie de conséquence une meilleure qualité du portefeuille clients.

Pour mettre en œuvre une démarche de lutte anti-fraude, il n’est plus indispensable de se lancer dans un grand projet nécessitant une mobilisation d’envergure. Profiter des solutions existantes en interne, développées par exemple par le marketing ou l’actuariat, permet de tester des dispositifs novateurs avec des résultats instantanés, la condition sine qua non étant de respecter la confidentialité des données(autorisation unique CNIL AU-039, secret médical, secret bancaire).

La transformation des fonctions de pricing

Au lieu de passer par le truchement de variables permettant d’expliciter un comportement, les modèles de tarification ont maintenant une lecture directe de ce dernier. Initialement, la tarification se basait sur les variables âge et sexe ou couleur du véhicule pour contourner la loi du genre, pour catégoriser un assuré dans un segment stéréotypé. Désormais, un jeune conducteur masculin précédemment supposé impulsif peut-être qualifié en fonction de sa conduite réelle grâce aux données issues des boitiers connectés (ou port embarqué type OBD-II). En conséquence, les techniques qui s’étaient adaptées à un environnement à dimensions restreintes (nombre de cases tarifaires limité) vont devoir s’adapter pour pouvoir fournir une tarification individualisée, fondée sur une masse insoupçonnée de nouvelles données.

Traditionnellement, la tarification repose sur des données statiques. Ces données ne subissent que très peu de modifications d’année en année. La dynamique apportée par les nouvelles données, accessibles en temps réel, oblige à revoir ces modèles. Le constat de l’évolution du mode de vie de l’assuré pourra être pris en compte avec, par exemple, un ajustement de la prime suivant les observations, à une périodicité plus fréquente qu’actuellement. C’est cette nouvelle dimension dynamique qui constituera le moteur de la permanence de la relation client.

 

 

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