Au lendemain du RGPD, où en est le marché ?

Le RGPD est un sujet d’actualité y compris pour le grand public ! Notamment depuis l’envoi de nombreux e-mails dans le courant du mois de mai. Il est question de nouvelles chartes, de consentement, de droits, de DPO, etc. Toute cette effervescence génère de nombreuses questions : quelles stratégies de communication ont été utilisées ? Comment les consentements sont-ils gérés ? Comment les entreprises répondent-elles aux demandes d’exercice de droits ?

Nous avons mené un benchmark afin d’évaluer comment les entreprises ont interagi avec le grand public Pour cela, un panel d’une trentaine d’entreprises dont les services sont régulièrement utilisés par le grand public a été sondé avec les comptes personnels des auteurs.

Notre panel d’entreprises :

37 entreprises des secteurs suivants ont été intégrées au panel : grande distribution, énergie, banque assurance, services publics, transport, télécom, GAFA. Ces entreprises sont majoritairement B2C. Certaines d’entre elles ne sont pas européennes.

Toutes les entreprises n’ont pas communiqué sur le RGPD

54% des entreprises du panel ont eu une communication proactive envers leurs clients. Si le grand public a eu l’impression d’être déjà fortement sollicité, il aurait pu recevoir davantage de communication. Parmi ces 54%, la moitié a envoyé un e-mail, l’autre moitié ayant préféré afficher un pop-up ou un message d’avertissement sur leur site web ou application mobile.

Par ailleurs, l’envoi d’e-mail sur le RGPD a certes permis aux entreprises de communiquer rapidement sur le sujet, mais cette communication était souvent générique et aurait pu être adaptée au client (intégration dans le parcours client, personnalisation des communications, etc.)

La mise en place du RGPD n’impose pas de communiquer autour du 25 mai

Les entreprises doivent informer leurs clients des traitements effectués lors de la collecte des données. Pour autant, le règlement n’impose pas de communiquer sur la mise en œuvre du RGPD en tant que telle.

Ainsi, celles qui ont communiqué autour du 25 mai dernier l’ont fait pour diverses raisons :

  • Certaines ont effectivement vu dans le RGPD une occasion de renforcer la confiance accordée par leurs clients. Elles leur ont donc envoyé des e-mails marketés pour présenter leur nouvelle charte sur la protection des données.
  • D’autres, encouragées par leurs services conformité, ont envoyé un e-mail au contenu juridique pour être certaines d’être conformes, notamment sur l’obligation de transparence.

Par ailleurs, certaines entreprises qui ne respectaient pas correctement le droit à l’information ont profité de cette communication pour se mettre en conformité.

Enfin, dans certains secteurs, l’envoi d’une première communication a déclenché un effet similaire chez les concurrents dans les jours suivants.

La portée même des messages, a parfois été être contre-productive. En, effet le RGPD exige une communication claire et lisible. Or les communications reçues étaient souvent complexes, juridiques et peu accessibles pour le grand public, contrairement à ce qui est imposé par le règlement. Plus ironiquement, certains clients ont découvert l’existence de leurs comptes personnel dans ces entreprises en recevant l’e-mail… auquel ils ont répondu en exerçant leur droit à l’oubli. Enfin, il est fort à parier que peu de clients aient lu l’ensemble des e-mails reçus sur le sujet.

Une communication centrée sur leur nouvelle charte de protection des données à caractère personnel…

94% des entreprises du panel ont soit mis à jour leur charte de protection des données à caractère personnel, soit en ont créé une nouvelle. D’une entreprise à l’autre, les chartes se composent des mêmes parties clés, à l’exception de la partie sécurité des données, présente dans seulement 11% des chartes. Cette partie est pourtant essentielle, puisqu’elle doit présenter les mesures adoptées par l’entreprise pour sécuriser les données de leurs clients.

Le contenu de chaque partie diverge d’une charte à l’autre. Certaines chartes restent très génériques et n’apportent pas de précisions sur les traitements réalisés, les acteurs qui traitent nos données, les tiers à qui elles sont transférées, les durées de conservation des données, les droits exerçables, et les aspects liés à la sécurité. D’autres, plus rares, apportent des réponses complètes aux utilisateurs qui permettent d’éclairer pleinement son choix sur le traitement de ses données. Un grand nombre de ces chartes devra être amélioré par la suite pour être plus précises et répondre au besoin de transparence.

A la lecture de ces documents, a l’instar des e-mails envoyés, il est possible de distinguer des objectifs distincts pour les chartes :

  • Les chartes plutôt juridiques et techniques qui permettent aux entreprises de répondre stricto sensu à l’exigence de transparence ;
  • Les chartes dont la lecture et la compréhension sont accessibles au grand public. Elles sont par exemple accompagnées de vidéos ou d’un glossaire facilitant leur compréhension. Certaines de ces chartes proposent même plusieurs niveaux de lecture plus ou moins détaillés qui permettent au lecteur de ne creuser que les points qui l’intéressent.

Sur le long terme, il est fort probable que toutes les chartes tendront vers la seconde catégorie et que leur rédaction soit non plus confiée aux services juridiques, mais aux services marketing et commercial.

… et parfois pour renouveler les consentements

20% des entreprises ayant communiqué en ont également profité pour lancer une campagne de renouvellement des consentements. Ceux-ci portaient essentiellement sur de la communication commerciale. La plupart des entreprises ayant déjà adopté les bonnes pratiques de la CNIL sur la collecte des consentements, seules les entreprises pratiquant jusqu’à maintenant l’opt-out ou ne différenciant pas leur propre communication de celle de leurs partenaires ont renouvelé leurs consentements.

À noter que si la majorité des entreprises gère les consentements liés à la communication commerciale, ce n’est généralement pas le cas pour d’autres types de consentements. En effet, les consentements spécifiques aux activités des entreprises, telles que la reconnaissance faciale, la géolocalisation pour les entreprises du secteur des transports, l’accès aux contacts ou appareil photo pour les messageries, sont gérés uniquement par les entreprises du secteur du numérique (GAFA notamment). Quant aux consentements liés aux données dites sensibles, ils n’apparaissent nulle part, même chez les entreprises susceptibles d’en utiliser comme certains sites de rencontres.

Données dites “sensibles” :

Données relatives à l’origine raciale ou ethnique, les opinions politiques, les convictions religieuses ou philosophiques ou l’appartenance syndicale, ainsi que le traitement des données génétiques, des données biométriques aux fins d’identifier une personne physique de manière unique, des données concernant la santé ou des données concernant la vie sexuelle ou l’orientation sexuelle d’une personne physique.

Une gestion des consentements en ligne hétérogène

92% des entreprises ont sur leur site un espace dédié aux données à caractère personnel permettant de gérer a minima le consentement sur la communication commerciale. Néanmoins, deux types d’espaces se dégagent : la page de gestion des préférences commerciales et le privacy center.

La page de gestion des préférences commerciales permet à l’utilisateur de gérer des consentements relatifs à la communication commerciale (être contacté pour les nouvelles offres internes ou par des partenaires, recevoir des newsletters). Néanmoins, la gestion de ce type de consentement est souvent proposée depuis longtemps par les entreprises.

20% des entreprises sont allées plus loin et on mis en place un espace en ligne dédié à la gestion des données à caractère personnel de leurs clients sur leur site web. Au sein de cet espace, aussi appelé Privacy Center, les clients peuvent modifier leurs données, exercer directement leurs droits, contacter le DPO, ou gérer finement l’ensemble des consentements. Les GAFAs (notamment Google et Facebook) sont les plus avancés dans ce domaine. Cela leur a permis d’automatiser en grande partie la réponse aux demandes d’exercice de droits et la gestion des consentements. Ils permettent ainsi à leurs utilisateurs de contrôler quasi instantanément les paramètres de protection de leur vie privée.

De manière générale, la mise en place d’un privacy center est une bonne pratique. Chaque Privacy Center devra néanmoins être plus ou moins étoffé en fonction du métier de l’entreprise et des données traitées. Par exemple, le Privacy Center de Google sera nécessairement plus étoffé que celui d’une entreprise de vente de vêtements par exemple.

Une gestion des cookies elle aussi hétérogène

Il y a deux types de cookies :

  • Les cookies d’usage (profilage, mesure d’audience, etc.) pour lesquels le consentement est nécessaire
  • Les cookies techniques (cookies de session notamment) pour lesquels le consentement n’est pas nécessaire

De même que pour les consentements, les entreprises proposent un niveau de gestion des cookies hétérogène. Ainsi, 49% des entreprises n’offrent pas la possibilité de modifier les consentements relatifs aux cookies.

De plus, parmi les entreprises qui offrent la possibilité de modifier les consentements sur les cookies, un quart d’entre elles renvoient vers la gestion des cookies directement au sein du navigateur. Elles se reposent ainsi sur les navigateurs web qui n’offrent souvent pas la possibilité de gérer des consentements selon les exigences requises.

13% des entreprises du panel, essentiellement dans le secteur du numérique offrent finalement aux utilisateurs la possibilité de contrôler les cookies directement depuis l’interface de leur site web. Ce chiffre va très probablement augmenter dans les mois à venir.

À noter que si la CNIL autorise les entreprises à déléguer la gestion des consentements des cookies dans les navigateurs web, il est plus simple de le faire directement dans l’interface des sites du point de vue de l’utilisateur.

Un quart des entreprises ne permettent pas d’exercer les droits par voie électronique…

Nous avons également intégré dans l’enquête des demandes de droit d’accès.

22% des entreprises du panel ne permettent pas l’exercice des droits par voie électronique mais uniquement en courrier papier, même si elles collectent les données par voie électronique. Or la loi Informatique et Liberté, mise à jour par la Loi Lemaire en 2016, impose aux entreprises de permettre à toute personne d’exercer ses droits par voie électronique, si ses données avaient été collectées également par voie électronique. Trois quarts des entreprises interrogées respectent cette loi en offrant la possibilité à l’utilisateur d’exercer ses droits par voie électronique, que ce soit via son privacy center, un formulaire en ligne ou encore par e-mail.

Pour recevoir et qualifier les demandes d’exercice de droits, 50% des entreprises profitent des ressources techniques et humaines de leurs services clients. Les autres ont préféré assigner l’activité à un département dédié.

…et le temps de traitement des demandes est souvent supérieur à 1 mois

La loi Informatique et Libertés imposait un délai de deux mois pour répondre à une demande d’exercice de droit. L’article 12 du RGPD accorde un délai d’un mois à compter de la réception de la demande, ce délai pouvant être allongé de deux mois en fonction de la complexité de la demande.

28% des entreprises ne réagissent pas suite à une demande, c’est-à-dire n’accusent pas réception des demandes ou ne demandent pas une preuve d’identité. Pour les entreprises qui répondent aux demandes : 69% n’envoient pas les données à caractère personnel de l’utilisateur dans un délai de 1 mois à compter de la demande.

Par ailleurs, pour les entreprises du panel, le délai d’un mois ne commence à courir le plus souvent qu’au moment de l’accusé de réception, suite au contrôle d’identité. Pour certaines entreprises, la demande d’une pièce d’identité ou sa vérification peut prendre plusieurs semaines, ce qui implique un délai de traitement de la demande trop long.

Concernant le contrôle d’identité, une seule entreprise du panel n’a pas vérifié l’identité du demandeur.

Parmi celles qui vérifient l’identité du demandeur, 70% le font à l’aide d’une copie d’une pièce d’identité. Ce moyen de vérification de l’identité est donc le plus courant, même s’il est imparfait. En effet, d’un côté cette pratique ne couvre pas totalement le risque d’usurpation d’identité. De l’autre, elle génère parfois des interrogations de la part des demandeurs qui ne comprennent pas pourquoi l’entreprise a besoin d’une pièce d’identité pour répondre à la demande. Il est alors nécessaire de faire preuve de pédagogie sur ce sujet.

Certaines entreprises vérifient l’identité par connexion du demandeur à son espace personnel à l’aide de l’identifiant et du mot de passe, pas appel téléphonique, ou questions d’identification (principalement les GAFA, les entreprises du secteur du numérique et quelques banques).

Enfin concernant l’envoi des données du demandeurs, les moyens sont très variés et il est difficile d’établir dès à présent des grandes tendances. Ainsi, certaines entreprises ont envoyé les données ainsi :

  • Capture d’écran du CRM dans une pièce jointe d’un email
  • Envoi d’une clé USB chiffrée par courrier
  • Envoi des données par courrier en recommandé avec accusé de réception
  • Téléchargement d’une archive depuis un serveur sécurisé
  • Téléchargement d’une archive chiffrée et transmission du mot de passe par téléphone
  • Envoi des données dans un PDF en pièce jointe d’un email

De manière générale, si les données issues des CRM sont bien envoyées, les données produites à partir des informations du client ne sont souvent pas transmises au demandeur. En effet, les réponses ne comportent pas les informations liées aux préférences par exemple ou autres données tirées d’analyses ou d’études des profils.

Le marché n’est pas prêt !

Le marché s’est mis en marche et a déjà adopté un certain nombre de bonnes pratiques, il n’est pas encore prêt. De nombreux éléments tel que les chartes, les privacy centers, la gestion des cookies, le traitement des demandes ont été lancés avec une approche tactique et juridique. Ces éléments devront certainement évoluer dans les prochains mois afin d’intégrer une approche plus centrée sur le client et en rendant les dispositifs réellement opérationnels.

Enfin, cette étude cible la face émergée de l’iceberg : ce qui est visible du client. Cette face, certainement prioritaire n’est pas totalement prête. Quand est-il maintenant de la phase immergée, les processus internes des entreprises ?  Nous reprenons la suite de cette enquête avec ce nouveau prisme. Nous en mettrons les résultats en ligne à la rentrée !

 

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