Traceurs et vie privée : quels efforts à faire pour une navigation respectueuse de la vie privée ?

A chaque première connexion sur un page web ou une application, la même question est posée : “En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez nos CGU et l’utilisation de cookies ?”. Lors de leur navigation web ou utilisation logiciel, les utilisateurs sont de plus en plus suivis. Ce traçage est réalisé par l’intermédiaire de différentes technologies utilisées parmi les sites internet, les éditeurs de service / d’application, les régies publicitaires ou encore les réseaux sociaux. Qu’ils soient appelés “traceurs”, “cookies” ou “pixel”, ces éléments déposés et/ou lus lors de nos activités informatiques collectent et traitent nos données à caractère personnel et sont soumis au Règlement Général sur la Protection des Données (RGPD). Qu’entend-on par les termes “cookies” ou ” traceurs” ? Que permettent-ils de faire et pourquoi sont-ils autant utilisés ? Qu’est-ce que cela implique au regard des exigences de protection des données à caractère personnel ? Voici quelques éléments pour décrypter ce sujet sur lequel d’importants progrès doivent encore être réalisés pour atteindre pleinement la conformité.

Les cookies, vrais ou faux amis ?

Qui sont les cookies ?

Le cookie est un fichier texte (combinaison de chiffres et de lettres d’une taille maximale de 4 KB) déposé par un service web sur l’appareil – smartphone, tablette ou PC – de l’utilisateur. Ces informations permettent de reconnaître l’utilisateur au-delà d’une première visite ainsi que ses paramètres. Il existe de nombreuses catégories de cookies. Par exemple, certains cookies sont strictement nécessaires au bon fonctionnement d’une page web (ex. load balancing, session de l’utilisateur ou facilitation du shopping en ligne lors de l’ouverture de plusieurs sessions) ou permettent de produire des statistiques, dans ce cas, leur usage relève de l’intérêt légitime du responsable de traitement et ne nécessite donc pas la collecte d’un consentement (cf. délibération de la CNIL du 4 juillet 2019 relative à l’utilisation des cookies et traceurs). D’autres cookies ont pour objectif de mieux connaître l’utilisateur via l’analyse de sa navigation ou de ses habitudes de consommation. Ils nécessitent alors le recueil d’un consentement de la part de l’utilisateur dans la mesure où leur absence n’altère en rien le bon fonctionnement du site. Ces derniers – et plus particulièrement les “cookies tiers” ou “cookies de suivi” – interrogent quant au respect de la vie privée dans la mesure où ils permettent de suivre la navigation d’un utilisateur lors de ses visites de différents sites web, une activité également connue sous le terme “tracking”, qui permet de déduire des habitudes et de modes de vie des utilisateurs plus ou moins intrusives (centres d’intérêt, habitudes de consommation, lieux de vie ou mobilité, fréquentation de centre de soin, opinion politique, orientation sexuelle, sensibilité religieuse, etc.).

Ainsi, la CNIL distingue les catégories de cookies suivantes :

Attention, certains cookies de mesures d’audience peuvent être exemptés de consentement en fonction du choix et du paramétrage de la solution de mesure d’audience associée. Pour plus d’information sur les solutions de mesures d’audience nécessitant ou pas le consentement, se référer ici.

Les cookies comme réponse à des enjeux métiers dans un environnement concurrentiel

Si ces outils sont si utilisés aujourd’hui, c’est d’abord et avant tout parce qu’ils répondent à des besoins métiers, notamment pour les directions marketing/commerciales ou de la communication. D’une part, ils permettent d’offrir une expérience personnalisée en définissant ou en associant un “profil utilisateur” à leurs clients ou prospects. Pour que les campagnes marketing soient plus précises (mieux ciblées) ou pour toucher un plus grand nombre de personnes susceptibles d’être intéressées par le produit / service, ces entreprises ont souvent besoin d’enrichir leurs bases avec des cookies tiers et des segments marketing. Pour cela, elles s’appuient sur des prestations « clé en main » fournies par des régies publicitaires dont l’un des métiers est de vendre d’immenses bases de données de cookies (Criteo, RelevanC).

De manière générale on observe que les organisations qui utilisent ces cookies ont mis en place des outils permettant à l’utilisateur de décider lui-même s’il souhaite les accepter ou non en fonction de leurs finalités. Mais certaines pratiques sont loin d’être totalement transparentes…

Le pixel invisible ou espion, une technologie méconnue de l’utilisateur

Qu’est-ce qu’un pixel ?

Le pixel invisible (ou espion) est parfois utilisé comme une alternative au cookie dans la mesure où son usage ne peut techniquement pas être bloqué par un navigateur. Il s’agit d’un graphique (1×1 pixel) qui est téléchargé lors de la consultation d’une page web ou lors de l’ouverture d’un email. Ce pixel est généralement masqué ou si petit qu’il est impossible à voir. Sa fonction est de collecter des informations sur l’utilisateur (adresse IP, type d’appareil, version du navigateur, résolution d’écran, etc.)[1] ou de permettre le dépôt d’un cookies tiers permettant de renvoyer ces informations à un serveur.

Si la plupart des sites mentionnent l’utilisation de pixels et permettent à l’utilisateur de gérer ses préférences, la très grande majorité utilisateurs ignorent à quoi ils servent. De plus, il arrive que ces pixels soient présents dans le contenu d’emails sans que le(s) destinataire(s) n’en soit informé(s). Non visibles et encore très peu soumis au recueil du consentement, le pixel continue enregistre quantité de données à caractère personnel pouvant porter atteinte à la vie privée du destinataire. Que dit la réglementation et jusqu’où s’applique-t-elle ?

[1] L’ajout d’un script Javascript permet de recueillir des informations complémentaires à propos de l’utilisateur qui en est très rarement informé (ex. système d’exploitation, localisation approximative, etc.).

Le RGPD définit des obligations claires à respecter

Les données à caractère personnel collectées et traitées par les traceurs qui peuvent ensuite être utilisées pour en déduire des habitudes et de modes de vie des utilisateurs sont soumises au RGPD qui définit des exigences claires quant à leur utilisation. Préalablement au dépôt de cookies ou traceurs sur des terminaux, les acteurs du numérique doivent respecter, entre autres, les obligations suivantes sous peine de ne pas être en conformité :

  1. Informer l’utilisateur de la mise en œuvre de traceurs et cookies utilisés et leur(s) finalité(s) précise(s) dans un bandeau rédigé en des termes simples et compréhensibles
  2. Recueillir le consentement de l’utilisateur ou de lui fournir la possibilité de s’y opposer (nb. ce consentement est valable 13 mois maximum)
  3. Respecter l’activation par l’utilisateur du paramètre DoNotTrack offert par certaines récentes versions de navigateurs

Attention : jusqu’en juillet 2019, la CNIL considérait que la poursuite de la navigation vallait accord au dépôt de Cookies sur le terminal utilisateur. Cette pratique, qualifiée de « soft opt-in » a depuis été révisée par CNIL (voir ici).

En conclusion, des efforts restent à réaliser pour aller vers plus de transparence et de pédagogie vis-à-vis des utilisateurs pour qu’ils puissent choisir de faire l’objet d’une navigation personnalisée respectueuse de la vie privée.

Un an après l’entrée en application du RGPD, les traceurs – incluant les cookies et les pixels – sont généralement bien gérés par les entreprises lors de la navigation web. En effet, la plupart des sites mettent à disposition des utilisateurs un bandeau d’information, une politique relative à l’utilisation des données à caractère personnel et un outil de gestion des cookies, incluant les pixels, pour que l’utilisateur puisse gérer ses préférences (opt-out lorsque le consentement n’est pas nécessaire) et consentements sur ces sites. Néanmoins, l’information relative à l’usage de ces traceurs à des fins de traitement marketing (ciblage, profilage) ne fait pas toujours la distinction entre les cookies et les pixels, ce qui ne permet pas l’information claire et transparente de l’utilisateur. Pour finir, l’information quant à l’utilisation de pixels dans les emails est presque inexistante (ou alors accessible après plusieurs clics !) ne permettant pas d’assurer la transparence envers les destinataires. Bien qu’elles ne permettent pas d’endiguer le dépôt de traceurs, des solutions telles que l’effacement régulier de l’historique de navigation ou de moteur de recherche ou telles que l’installation d’extensions (ex.  NoScript, Ghostery, Adblock Plus et bien d’autres encore pour la navigation, PixelBlock, Ugly Email pour la messagerie) peuvent être mises en œuvre par les utilisateurs pour limiter la collecte de leurs données à caractère personnel.

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