Transition énergétique, un an après : les ressorts d’un débat national qui n’a pas fini de rebondir

Le débat : des bases objectives mais une question de fond non énoncée

Le premier ministre, dans son discours de politique générale du mois de mars 2014 puis la ministre de l’écologie le 20 mai dernier devant l’Assemblée Nationale ont renouvelé le souhait de légiférer avant la fin de l’année sur la « transition énergétique ». Une série de 7 notes préliminaires a été rendue publique et les différentes parties prenantes font entendre leurs voix, souvent encore dissonantes. Alors le public attend, en se demandant lesquelles pèseront le plus dans les arbitrages de la future loi.

Qui paiera le premier ? C’est aussi la question cachée des débats. Celle qui fait traîner en longueur ces débats et fait s’escrimer les groupes de pression de tous bords dans les coulisses de l’appareil d’État.

À part quelques personnalités très peu qualifiées ou mal intentionnées, tout le monde est pourtant d’accord sur le constat de fond : les énergies fossiles (hors uranium), dont la consommation a « explosé » depuis la révolution industrielle, rejettent des gaz à effet de serre responsables d’un réchauffement climatique qui devrait, dans les scénarios tendanciels[1], s’accélérer au cours du siècle. Ce réchauffement est porteur de désordres écologiques (intempéries plus fréquentes et plus graves diminuant les productions agricoles mondiales,  endommageant les implantations humaines et perturbant les activités) ; et ces désordres écologiques portent en germe de très graves désordres économiques et sociaux.

Les conclusions du débat national de 2013 étaient également claires sur les raisons d’organiser une transition énergétique : « allier création de richesses, justice sociale, protection des ressources naturelles et préservation de l’environnement ». Toutes les parties prenantes invitées à la table des débats s’étaient accordé pour décrire les maîtres mots de la politique énergétique du futur :

  • De l’efficacité énergétique voire de la sobriété (consommer moins au niveau des usages individuels pour ne pas consommer plus à l’échelle du pays, tout en améliorant le niveau des services apportés par l’énergie),
  • Un nouveau mix énergétique (« un bouquet énergétique faiblement émetteur de gaz à effet de serre, sécurisé, diversifié, équilibré et compétitif »).

Mais si tout le monde devrait trouver son compte dans ce futur, ce futur a un coût financier à court terme aussi important qu’indéniable. Autrement dit, il faut financer cette transition. Citons, en vrac : la rénovation à grande échelle du bâti existant, la recherche et le développement en matière de mobilité, l’équipement massif du pays en systèmes de production d’énergies renouvelables, la modification des schémas d’aménagement du territoire.

Plus d’impôts ? Moins de bénéfices ? Moins de pouvoir d’achat ?

La loi devra s’attaquer aux mécanismes d’achat des énergies renouvelables. Dans quelle proportion leur surcoût actuel doit-il être couvert par les énergéticiens et par les consommateurs ?

Les consommateurs (vous et moi), n’ont pas envie de payer leur énergie plus chère parce que leurs voisins ont des panneaux photovoltaïques sur leur toit ; ils le font savoir au moment des élections. Quant aux énergéticiens (et leurs actionnaires), ils n’ont pas envie de dégrader durablement leurs résultats économiques. Faut-il de manière moins directe augmenter les impôts des particuliers ? Les impôts des entreprises ?

Autre exemple, les transports. Le financement d’infrastructures de transport durables (par exemple des lignes de chemin de fer) devait être assuré par « l’écotaxe ». La ministre de l’écologie a déclaré ne pas vouloir taxer les gens qui n’ont pas le choix de prendre le transport propre. Qui doit alors financer ? Les routiers étrangers ? Les sociétés d’autoroute ?

Dernière illustration du « chacun pour soi » financier, la question des barrages hydrauliques : qui financera les investissements nécessaires à leur maintien en condition opérationnelle ? Si les concessions sont plus ouvertes à la concurrence, les opérateurs devront baisser leurs coûts. Par effet ricochet, les redevances perçues par les communes de montagne ne risquent-elles pas de fondre comme neige au soleil ?

Redonner du sens à l’intérêt collectif

Malgré l’impatience légitime qu’ont suscité les débats de 2013, espérons que le gouvernement sache prendre le temps de la pédagogie pour redonner du sens à l’intérêt collectif et expliquer l’équilibre des efforts auquel chaque catégorie d’acteurs devra consentir. Au final, tout le monde a plus à y gagner qu’à y perdre.



[1] C’est-à-dire sans réorientation radicale des politiques énergétiques

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