Le paiement sur les réseaux sociaux : nouvelle tendance ou épiphénomène ?

Alors que BPCE a annoncé fin 2014 le lancement d’une nouvelle méthode de paiement en ligne via Twitter, les transactions financières à partir des réseaux sociaux ne sont que peu développées. A l’heure où e-commerce et réseaux sociaux entament une convergence, quel est le véritable poids de cette tendance ?

BPCE mise sur Twitter pour faciliter les transactions

La banque française BPCE s’appuie sur un nouveau service de transfert d’argent entre particuliers grâce à son service de porte-monnaie électronique S-Money. Tout client du porte-monnaie électronique pourra transférer de l’argent à un autre client de S-Money grâce à l’envoi de tweet au format suivant : « @SMoneyfr #envoyer X€ @destinataire ». Pour Nicolas Chatillon, DG de S-Money, cette innovation se fond parfaitement avec Twitter : « la simplicité d’usage et l’instantanéité de la solution de paiement entre particuliers S-money s’intègrent parfaitement dans les parcours d’utilisation de Twitter. » Au-delà de faciliter le transfert d’argent entre particuliers, cette nouvelle fonctionnalité devrait permettre des dons caritatifs ou du crowdfunding.

Après l’envoi du tweet, l’application S-Money s’ouvre (afin de sécuriser le paiement) et pré-intègre les informations saisies dans le tweet, l’utilisateur n’a plus qu’à valider le paiement/transfert d’argent.

Rakuten Group & Instabank : des initiatives à l’avant-garde

Avant BPCE, d’autres acteurs se sont positionnés sur le segment du paiement sur les réseaux sociaux. Rakuten Group a récemment noué un partenariat avec Facebook pour permettre à ses clients de réaliser des transferts d’argent depuis le réseau social de Zuckerberg. Instabank, la start-up russe, propose des services bancaires online et social. Elle vise le mariage des activités quotidiennes sur les réseaux sociaux et la gestion financière des comptes. L’application propose d’effectuer des transferts d’argent, des paiements en ligne grâce aux comptes Facebook ou Foursquare. En créant un compte sur l’application, Instabank fournit une carte bleue virtuelle à ses clients, sur laquelle ils peuvent créditer leur argent réel et ainsi réaliser des transferts de fonds à des amis ou des paiements directement depuis Facebook.

Début mars, Visa a répliqué en annonçant être prêt pour organiser des transferts d’argent depuis n’importe quel réseau social (Facebook, Twitter, LinkedIn) ou système de messagerie instantanée comme WhatsApp. Cette information révèle à quel point le paiement sur les réseaux sociaux devient un enjeu pour les marques mais aussi et surtout pour les acteurs clé du paiement comme Visa.

 Tendance de fond ou cas isolé : la parole aux chiffres

Au moment de réfléchir aux véritables enjeux de ce type de phénomène, il est intéressant de s’attarder sur quelques chiffres assez évocateurs.

Tout d’abord, le taux d’équipement en smartphone ne cesse de croître. Selon le Baromètre du marketing mobile (Mobile Marketing Association), 1 français sur 2 possède un smartphone, et 1 foyer sur 3 dispose d’une tablette. Les marques ont donc un besoin croissant d’être présentes sur le mobile (via des apps ou webapps).

Par ailleurs, le m-commerce est en forte hausse (+120% de chiffre d’affaires au premier trimestre 2013 selon une étude publiée par la FEVAD). Quand le e-commerce doit croître de 9% en 2014, le m-commerce s’attend à une croissance de 106%. Les transactions sur mobile se généralisent donc et les freins au m-commerce sont en passe d’être levés.

Enfin, les réseaux sociaux (Facebook et Youtube en tête, Twitter dans une moindre mesure) voient leur communauté croître de manière significative. Mieux encore, les internautes utilisent de plus en plus les réseaux sociaux depuis leur mobile. Le trafic de Facebook est ainsi généré à 65% à partir du mobile (smartphone ou tablette).

Il est donc facile d’en conclure que les français sont toujours plus outillés en terminaux mobiles, qu’ils s’adonnent de plus en plus au shopping via ces devices et qu’ils sont de plus en plus attentifs aux réseaux sociaux, toujours principalement en situation de mobilité.

Doit-on pour autant déduire que le paiement sur les réseaux sociaux est une nouvelle tendance forte ?

Développer de nouveaux modèles qui replacent les besoins-client au cœur du système : un impératif pour les banques et fournisseurs de solutions de paiement

Certains acteurs du social media comme Twitter commencent à se poser la question d’intégrer des fonctionnalités avancées de paiement directement depuis leur plateforme. En septembre dernier, le site de micro-blogging a annoncé le lancement d’un test à petite échelle afin de valider l’intérêt d’un nouveau bouton Buy. Le twittos peut ainsi sélectionner des produits directement depuis sa timeline, saisir ses informations de paiement et de livraison, lesquelles sont directement transmises au e-commerçant.

Plus récemment, Facebook a également annoncé le lancement à venir d’une nouvelle fonctionnalité de transfert d’argent entre amis. L’objectif est de faciliter les transactions grâce à la plateforme sociale. L’utilisateur pourra enregistrer ses coordonnées bancaires et sélectionner « l’ami » à qui il souhaite verser une somme. Une nouvelle étape vers des achats intégrés depuis le réseau social ?

En se rapprochant de Twitter, BPCE se positionne clairement comme une banque innovante en lançant ce nouveau service. Pour autant, quel est l’intérêt pour le client d’utiliser ce service ? Un certain nombre d’applications bancaires permettent aujourd’hui de réaliser des transferts d’argent très simplement et très facilement : les clients n’ont pas à mémoriser et à saisir un tweet normé avec des handles et des hashtags spécifiques pour réaliser un virement à leur ami. Par ailleurs, en utilisant ce service, la publication du tweet générant le paiement est aujourd’hui publique, ce qui peut soulever des craintes chez les utilisateurs.

En effet, les réseaux ne sont pas forcément perçus de manière spontanée comme des acteurs légitimes et crédibles sur le domaine du paiement. Selon l’enquête Solucom – OpinionWay menée auprès de 2000 Français autour des moyens de paiement, seuls 5% des répondants seraient disposés à utiliser les réseaux sociaux afin de régler des achats ou de transférer de l’argent.

Néanmoins, avec ce service, BPCE se place là où de plus en plus de clients sont présents, à savoir sur les réseaux sociaux, et cette première étape n’est que la première pierre d’une tendance de fond qui risque fort de se développer. Toujours selon l’enquête Solucom-OpinionWay, près d’un Français sur 2 est en effet convaincu que le développement des transactions mobiles va connaître un essor croissant dans les années à venir. Il y a fort à parier que les réseaux sociaux sauront tirer parti de cette opportunité.

 

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