Le TLAC s’attaque au modèle bancaire

Le 10 novembre dernier, le Conseil de Stabilité Financière (CSF ou FSB) publiait un document consultatif intitulé « Adequacy of loss-absorbing capacity of global systemically important banks in resolution ». Ce dernier fait mention de l’instauration d’un nouveau ratio appelé TLAC (Total Loss Absorbing Capacity) visant à mesurer la capacité d’absorption des pertes financières. Ce dernier s’inscrit dans le dispositif  permettant de s’assurer que les banques d’importance systémique peuvent absorber leurs pertes et être dissoutes sans avoir recours aux interventions des États comme dans un passé récent.

TLAC, un nouveau matelas de sécurité

Le TLAC « Total Loss-Absorbing Capacity » s’appliquera dès 2019 aux 30 banques systémiques G-SIB – dont quatre françaises, BNP Paribas, BPCE, Crédit Agricole et Société Générale.

Elles devront détenir un coussin de fonds propres et instruments assimilés supplémentaires. Ce coussin devra correspondre à un pourcentage compris entre 16 et 20 % de leurs actifs pondérés en risque (ou RWA) et au moins deux fois le niveau du ratio de levier minimum (6% des expositions de levier, le ratio de levier étant, à ce stade prévu à 3%).

Le TLAC s’ajoute aux exigences en capital minimales fixées par Bâle III mais22 exclut les coussins spécifiques prévus dans le calcul réglementaire (coussin de conservation des fonds propres et coussin contra-cyclique).

L’objectif est de constituer un coussin de capital suffisamment large pour absorber les pertes financières en cas de défaillance d’une banque systémique.

Les instruments financiers éligibles au TLAC ont un périmètre plus large que ceux pris en compte dans le calcul du ratio total de fonds propres Bâle III. En plus des instruments Bâle III (CET 1, ADT 1, Tier 2), toutes les dettes subordonnées peuvent être éligibles sous certaines conditions.

TLAC : quels impacts sur le modèle bancaire ?

La mise en place de cette nouvelle exigence réglementaire impacte fortement le modèle bancaire sur plusieurs plans : juridique, organisationnel, rentabilité des actifs, structure du bilan… En voici quelques illustrations :

Fin du Bail-Out 

Dans le cadre du TLAC, le bail-out est remplacé par le bail-in. Le bail-out consiste en une recapitalisation des banques par l’État en cas d’insolvabilité ; tandis que le bail-in vise à un renflouement des dettes de la banque par ses créanciers. On peut noter finalement un certain alignement entre les titres de type actions et les titres de dettes, ce qui est une novation juridique.

Ce système de renflouement interne a déjà été adopté en Allemagne, Irlande, Danemark et partiellement au Royaume-Uni. Il est prévu en France à partir de 2016.

La fin du bail-out implique une augmentation du risque de détention des titres pour ses créanciers qui doit être rémunéré par un rendement supérieur (prime de risque).  Cette prime de risque augmente mécaniquement le coût du capital et baisse la rentabilité des actifs des banques.

L’introduction de la possibilité d’appeler les créanciers introduit une nouvelle forme d’instruments financiers, appelés hybrides ou dettes contingentes, dont la rémunération varie en fonction du niveau du capital réglementaire.

Nouvelle structure juridique « Holding de tête »

Afin de faciliter une éventuelle résolution (dissolution de l’établissement), les banques systémiques en France devront adopter une structure juridique inspirée du modèle américain « Holding Company » ou Holding de tête. Cette nouvelle structure dédiée à la résolution aura un rôle d’émettrice des dettes subordonnées.

Crédit Suisse, UBS ou Barclays s’y sont déjà préparées en créant de telles holdings. En effet, elles présentent l’avantage d’être simples à mettre en résolution, puisqu’elles ne portent que du capital et de la dette. Elles peuvent également émettre des obligations ordinaires, ce qui leur donne accès à un large marché.

Enfin, une organisation abandonnant des licences bancaires locales avec une seule entité régionale permet de réduire de manière importante les exigences en capital et d’augmenter mécaniquement la rentabilité des établissements.

Toutefois, ces holdings engendrent des coûts de mise en place, de possibles frottements fiscaux et un risque de complication de l’optimisation de la gestion actif-passif à l’échelle du groupe.

Un contexte réglementaire propice au changement !

Au-delà du TLAC, un second ratio « d’exigence minimale de fonds propres et passifs exigibles» ou MREL en anglais sera imposé aux banques par la « la Directive BRRD » traitant des faillites bancaires; ce ratio devra représenter 8% des passifs de l’établissement.

Les grandes banques européennes anticipent déjà sa mise en place et profitent des conditions de marchés favorables grâce aux opérations de rachats de titres mises en place par la Banque Centrale Européenne (BCE). Afin d’atteindre ces objectifs, les banques européennes ont le choix entre accroître leurs fonds propres durs et émettre des instruments hybrides tier 1 et tier 2.

De manière plus globale, il semble que le débat porte davantage sur la qualité des fonds propres que sur le montant de ceux-ci, c’est-à-dire sur la définition même du capital réglementaire avec une nécessaire homogénéisation entre les pays européens souhaitée par la BCE.

On le voit bien, le débat sur les banques « trop grosses pour être gérées » devrait durer encore longtemps avec pour objectif ultime de ne pas appeler les États (et donc les citoyens) en cas de faillite mais bien leurs créanciers.

Les banques doivent donc, au-delà des calculs et simulations sur l’optimisation de leur capital réglementaire, étudier les impacts et changements structurels sur leur gouvernance et organisation, leurs relations avec leurs investisseurs, les possibilités offertes par les nouveaux instruments financiers, la compatibilité de leurs activités avec ces nouvelles réglementations.

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