Collectivités & digital : think global, act local

Collectivités territoriales et transformation digitale : deux univers que tout semble opposer. Si l’on en juge par les investissements en hausse dans le digital, malgré des budgets globalement en baisse dans le secteur public, les mutations qui s’opèrent dans notre économie et nos technologies sont loin d’être pourtant l’apanage du privé.

Les réformes publiques, moteur de la transformation digitale des collectivités territoriales en France

Tirées par des réglementations et une dynamique imposant à la fois une maîtrise des dépenses publiques et un renouveau dans la relation avec l’usager, les collectivités territoriales sont bien engagées dans une révolution numérique. Celle-ci s’accompagne d’une transformation profonde du service public de proximité visant à générer des économies tout en créant de la valeur, comme en témoignent les initiatives autour de la Smart City. Au-delà d’une simple informatisation, c’est une véritable optimisation qui s’opère, dans laquelle le digital joue un rôle central : améliorer l’efficacité des services existants, développer la transparence et favoriser les démarches participatives des citoyens.

Force est de constater que le large spectre de compétences des collectivités laisse toute sa place au numérique. Gestion  de l’état civil, de la voirie publique, mobilité et organisation des transports, collecte des déchets, distribution de l’eau et de l’énergie, enseignement, culture, patrimoine : nombreuses sont les activités pouvant tirer profit de cette modernisation, et notamment de l’internet des objets pour la gestion de l’éclairage public, de l’information urbaine ou encore de la signalisation. Si les outils collaboratifs et la dématérialisation des documents et des processus arrivent en tête des projets numériques des collectivités, encouragés notamment par l’obligation de dématérialiser les factures à partir de 2017, les enjeux d’attractivité du territoire conduisent de plus en plus les élus à investir dans les outils d’analyse et de surveillance du territoire (monitoring urbain), de services aux usagers et de modernisation des infrastructures.

La transformation numérique territoriale : un écosystème diversifié

À l’intérieur des collectivités territoriales tout d’abord, si la révolution numérique fait passer la DSI des collectivités d’un centre de coût à un rôle de créateur de valeur, elle n’est pas le seul acteur de la transformation locale. La direction de la communication est depuis toujours son interlocuteur privilégié, tout particulièrement en ce qui concerne la stratégie d’information des usagers. La direction financière n’est pas en reste, comme nous l’avons observé précédemment, avec les nombreuses dématérialisations en cours (dématérialisation des échanges avec le trésor public) et à venir. Dans certaines collectivités, on voit même s’ouvrir des postes ou des directions de la transformation numérique, sans que ses membres n’aient nécessairement toute latitude pour mettre en œuvre une stratégie propre. En interne toujours, les Directions métiers ne sont pas en reste, et surtout la direction des relations usagers, véritable partenaire de la DSI qui dispose d’une expertise en matière de parcours et de profils usagers. Se développe ainsi une approche de plus en plus transversale pour piloter la stratégie de transformation digitale.

Certaines compétences des collectivités territoriales sont également historiquement déléguées à des acteurs privés ou d’économie mixte. Il s’agit en particulier des services de transports, de la distribution d’énergie (gaz, électricité), de l’eau ou encore de la collecte des déchets. Ces opérateurs participent donc activement aux mutations profondes du territoire et expérimentent même à l’échelle locale des projets innovants pour améliorer leur qualité de service et accompagner le besoin de transparence, les nouveaux usages et les nouveaux canaux digitaux. C’est le cas par exemple du groupe EDF qui au travers de son expérimentation Smart Electric Lyon équipe les clients volontaires de compteurs communicants dits « intelligents ».

Enfin n’oublions pas le citoyen lui-même qui grâce aux objets connectés prend un rôle d’acteur de la ville intelligente et rentre dans une véritable démarche participative. S’il est consommateur de l’information mise à sa disposition, le citoyen peut également produire de l’information partagée et créer de la valeur ajoutée, qu’il s’agisse par exemple d’indiquer la présence éventuelle de trous dans la chaussée – informations agrégées dans des plateformes de crowdsourcing – ou encore de proposer à la collectivité un service de covoiturage. Si beaucoup s’interrogent encore sur l’existence d’une véritable e-démocratie, les technologies numériques et les supports mobiles viennent sans nul doute décloisonner les données et faciliter l’implication citoyenne.

Cartographie du territoire en temps réel et analyse prédictive

Petit à petit, un nouvel acteur émerge dans ce paysage. Il s’agit des start-ups dont les solutions applicatives et les objets connectés aident les collectivités à optimiser l’exploitation des réseaux : mesure des débits et de la qualité de l’eau, du bruit, du remplissage des poubelles, connaissance quasi-instantanée des données de consommation énergétique, gestion des réseaux urbains multimodaux…

Si ces capteurs permettent de visualiser et de piloter l’état réel des flux sous forme de cartes et de tableaux de bord personnalisables, l’intérêt des collectivités locales se porte de plus en plus sur l’analyse de ces données et la construction de modèles prédictifs. Toutes les administrations publiques collectent en effet des milliers de données structurées qui pourraient être mises à la disposition de tiers pour le développement de nouveaux services aux citoyens et l’amélioration de la qualité de vie. Comme en témoigne le projet de loi Touraine dont l’article 47 sur l’ouverture des données de santé au public a tant fait débat, cette diffusion de l’information (Open Data) pose cependant des contraintes juridiques dans un cadre contractuel restant à définir, et se heurte à la volonté des pouvoirs publics de conserver le contrôle des données sensibles.

L’avènement de la Métropole, et avec lui la rationalisation de la gouvernance sur le territoire, devrait cependant ouvrir la voie à de nouvelles initiatives dans ce domaine et faciliter le passage d’une démarche d’expérimentation opportuniste à la mise en œuvre d’une véritable stratégie locale de transformation digitale. Au-delà, l’État doit devenir le véritable chef d’orchestre de la révolution numérique en cours, et un organisme pourrait même être créé à l’échelle européenne, pour gérer les politiques d’ouverture des données des différents pays de manière plus uniforme.

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