Quelle importance accordée par les citoyens au respect de leur vie privée ?

La donnée est considérée comme le nouvel or des entreprises. L’émergence ou l’évolution de nombreux business models autour de la collecte massive de données et autour de la connaissance pointue des usagers le démontre. Sans qu’ils ne s’en rendent nécessairement compte, la vie privée des citoyens s’est retrouvée menacée : surveillance de masse, fichage, etc. Aujourd’hui cette approche ne semble plus pouvoir durer : durcissement de la réglementation, prise de conscience des citoyens, laquelle est associée à un besoin certain de confiance avant d’envisager le partage de ses données. Pour les organisations, un double enjeu est à prendre en considération : comment continuer à accéder aux données pour personnaliser leurs services existants tout en s’assurant de l’adoption de leurs nouveaux services digitaux innovants, mais potentiellement anxiogène pour des citoyens de plus sensibles au sujet ? La révolution de la donnée ne se fera pas sans confiance. Les entreprises n’ont plus le choix, elles doivent collecter et utiliser les données de manière réfléchie pour ne pas endommager la relation établie. En somme, passer d’une approche « big data » à une approche « smart data ».

L’étude « Vie privée à l’ère du numérique » dont les chiffres clés sont résumés ci-dessous et dans un second article à paraître prochainement, vient guider les entreprises dans l’adoption de cette approche. Celle-ci s’appuie sur un sondage international mené auprès de 3620 citoyens, d’un état des lieux de conformité au RGPD sur un panel de 24 entreprises et plusieurs interviews : Gwendal Le Grand, directeur des technologies et de l’innovation à la CNIL, de Tristan Nitot, VP advocacy chez Qwant, un moteur de recherche qui ne collecte aucune donnée à caractère personnel et Benjamin André, co-fondateur de Cozy Cloud, une solution permettant aux organisations de s’investir dans le self-data.

 

2/3 des citoyens assimilent la vie privée à la maîtrise de leurs données sur le net

La vie privée est une préoccupation mondiale : 94% des sondés la considère comme important (soit une augmentation de 19% par rapport au 1er sondage mené sur ce thème en 2016) : ce chiffre traduit une prise de conscience inédite des citoyens. Les sondés associent notamment la protection de la vie privée au fait de pouvoir choisir les tiers qui collectent et manipulent leurs informations, avant même de savoir quelles données sont collectées et pour quels usages. La donnée financière reste la donnée la plus citée par nos sondés comme donnée perçue comme privée, alors qu’elle n’est généralement pas considérée comme tel dans les démarches privacy des entreprises (les données biométriques, de santé, religieuses, sexuelles, voire d’habitudes de vie les devancent souvent). Au contraire, certaines données comme les habitudes de vie ou la géolocalisation sont perçues comme peu sensibles par nos sondés.

Une confiance envers les organisations qui diminue !

32% des sondés considèrent qu’ils font moins confiance aux entreprises quant à l’utilisation faite de leurs données qu’il y a un an. Constat particulièrement étonnant en Europe : le RGPD, a provoqué une crise de confiance !

En Europe (Royaume-Uni inclus), environ 36% des sondés font moins confiance aux entreprises. Un comble avec l’entrée en vigueur du RGPD, censée redonner la maîtrise de leurs données personnelles aux citoyens Européens. Du fait de la complexité renvoyée, des violations désormais publiques et des différents scandales, les citoyens sont plus méfiants, perdent confiance et sont moins enclins à partager leurs données.

25% des sondés sont réfractaires au partage de leurs données, quelle que soit l’utilisation qui en est faite ! Lorsqu’il s’agit d’évaluer la pertinence de l’utilisation des données, les réponses varient peu pour des usages aussi différents que de la prospection commerciale ou de la vidéosurveillance, confirmant que l’utilisation faite des données n’est pas le sujet de leurs préoccupations.

Cependant, 3 types de comportements se détachent vis-à-vis des données :

  • 45% de la population peut être qualifiée de « privacy comfortable ». Cette catégorie accepte le partage de ses données comme contrepartie pour avoir accès à de nouveaux usages digitaux.
  • 30% de la population peut être qualifiée de « privacy in doubt ». Cette catégorie comprend l’intérêt du partage de ses données mais a besoin d’un cadre clair pour accorder sa confiance. Une conformité au RGPD et une communication claire et transparente peut les convaincre de partager leurs données.
  • 25% de la population peut être qualifiée de « privacy absolutists ». Cette catégorie est particulièrement réfractaire au partage de ses données. L’enjeu clé de l’ère de la confiance est clair : limiter le développement de cette catégorie de réfractaires en mettant en œuvre des solutions convaincantes permettant au plus grand nombre de partager ses données en toute confiance.

Notamment grâce au RGPD, les citoyens qui reprennent le pouvoir !

Cela se traduit de différentes manières :

  • 1/3 des sondés déclarent avoir déjà demandé à une organisation de cesser de leur envoyer de la communication par email ou SMS. Parce qu’ils sont méfiants, les citoyens adoptent une nouvelle posture, plus offensive, pour conserver la maîtrise de leurs données. Ils ne veulent les confier qu’aux tiers qu’ils estiment de confiance.
  • 1 sondé sur 2 déclare avoir déjà exercé ses droits dans l’année passée. Et de manière offensive car s’ils ne reçoivent pas de réponse satisfaisante, les citoyens se plaignent auprès de leur autorité de contrôle. « En 2018, la CNIL a réceptionné un total de 11077 plaintes sur l’année, soit une augmentation de 32% par rapport à l’année précédente » indique Gwendal Le Grand, Directeur des technologies et de l’innovation, CNIL, l’une des personnalités interviewées dans le cadre de l’étude. Pour ces plaintes, ils s’associent parfois entre eux et si le cadre réglementaire le permet avec des associations de consommateurs afin de gagner en force de frappe. Ce type de plainte collective a donné lieu aux 40 millions d’amende infligés à Google par la CNIL en janvier 2019.
  • 1/3 des sondés affirme qu’il serait prêt à payer pour bénéficier d’une protection accrue de leurs données et pour des services davantage protecteurs de leurs données.

A ce sujet, il semble qu’un mouvement soit bien enclenché au-delà des frontières de l’Europe. En Chine et aux Etats-Unis, une moyenne de 18% des citoyens déclarent avoir déjà payé pour accéder à un service de protection supplémentaire, contre 5% uniquement en Europe (incluant le UK). Les citoyens Européens seraient donc moins consommateurs de services payants protecteurs de leur vie privée. Est-ce dû à un retard de l’offre dans le domaine ? Une non-connaissance des solutions existantes ou un sentiment de protection apporté par la réglementation ? Ou simplement, les citoyens européens sont-ils réfractaires à l’idée de payer pour protéger leur vie privée ?

En analysant les secteurs pour lesquels les citoyens sont ou seraient le plus enclins à payer pour un service protégeant leurs données, il en ressort que les réseaux sociaux, les services sur internet et les banques sont les secteurs les plus concernés. De réelles opportunités pour ces secteurs.

L’étude révèle également un véritable attrait pour l’anonymat. Cela s’illustre notamment par le fait que les sondés positionnent les données de contact dans le top 3 des données les plus privées (avant les données de santé ou de localisation !). Cela se traduit dans les usages : on observe le développement des profils anonymes (type mode incognito pour 27%, suppression des cookies pour 47%). Voire même des mesures plus radicales : 26% de la population a arrêté d’utiliser certains services afin de protéger et garder la maîtrise de ses données.

Back to top