Captain America contre la ligue des gentlemen téléchargeurs returns – Épisode 2 : Megaupload

Comme nous l’avons vu lors d’une précédente tribune, la tempête médiatique déclenchée  PIPA / SOPA aura sans doute eu raison de leur future entrée en vigueur.

On l’a dit, ces jumelles ciblaient tout particulièrement les sites étrangers.

Bien plus, la version de travail en cours allait même jusqu’à exclure explicitement les sites gérés par des registres de niveau 1 (Top Level Domain – TLD) américains, c’est-à-dire tous les sites dont l’extension est .com, .org ou encore .net.

Et pour cause : l’arsenal juridique nord-américain permet déjà aux Etats-Unis d’avoir la main sur l’ensemble de ces sites, soit plus de la moitié de l’internet mondial.

En ce sens, la fermeture, le 20 janvier dernier, de Megaupload.com par le FBI est particulièrement instructive.

Megaupload, Méga-blackout J+1

Le sujet a déjà été longuement commenté. En particulier, il a été beaucoup rappelé que Megaupload, site de téléchargement direct, était géré par une société basée à Hong-Kong.

Il s’agit pourtant bien d’un site ciblant le marché américain : outre une interface rédigée en anglais et un nom de domaine en .com, c’est une grande partie de son business model qui apparait made in the USA : près d’un millier de serveurs hébergés aux États-Unis pour un coût de plusieurs millions de dollars US par an, des paiements reçus de résidents américains ou des primes versées par Megaupload vers ces mêmes citoyens, par l’intermédiaire d’une société américaine (PayPal), des revenus générés par des publicités gérées par des entreprises américaines (Google AdSense et AdBrite), etc.

S’applique alors un principe sur lequel converge aujourd’hui le droit mondial : puisque Megaupload générait des bénéfices sur une juridiction américaine, légitimement, Megaupload doit se conformer à sa législation et donc se soumettre à ses sanctions.

De plus, l’ICE – les douanes américaines (US Immigration and Custom Enforcement) – dispose déjà d’un arsenal juridique lui permettant de saisir les noms de domaines.

C’est ainsi sur la base du PRO-IP Act de 2008, que Verisign, l’entreprise qui gère la racine .com pour le compte de l’ICANN, déconnectait Megaupload, tandis que les serveurs de la société hébergés dans l’État de Virginie étaient saisis.

Vers la fin de l’internet ?

En France, l’entrée en application de la loi Hadopi a eu pour effet pervers la popularisation extrêmement rapide de technologies permettant de la contourner et le développement prodigieux d’autres modes de piratage.

D’ores et déjà, d’aucuns n’ont pas manqué de signaler qu’un blocage au niveau DNS peut être aisément contourné par un certain nombre d’outils, dont il est fort à parier qu’ils se diffuseront tout aussi rapidement en cas de vote des lois PIPA et SOPA, les rendant de facto obsolètes.

Par ailleurs, le risque d’assister au développement de DNS alternatifs est grand, échappant à toute tentative de régulation de la part des États. Les fondateurs de Piratebay, célèbre site de téléchargement majoritairement illégal, ont ainsi déjà annoncé travailler à un DNS décentralisé, en mode peer-to-peer.

Plus généralement, fleurissent de plus en plus des initiatives visant à empêcher tout contrôle, en contournant la semi-centralisation de l’internet mondial. En particulier, et de façon tout-à-fait ironique, citons les projets soutenus par le gouvernement américain pour soutenir les dissidents face à des régimes exerçant une censure sur le web.

Il est donc possible que ce type de législation, plus que réguler Internet, en précipite la transformation. Web social poussé dans ses ultimes retranchements, le web 3.0 pourrait être l’avènement du web maillé, en peer-to-peer.

Aujourd’hui, la lutte tout à fait légitime contre le piratage pourrait de fait totalement bouleverser l’architecture même d’internet.

L’enfer est, dit-on, pavé de bonnes intentions.

Lire l’épisode 1 : Mega-blackout

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