Interview SNCF : s’adapter aux nouveaux modes de consommation

À horizon 2020, la SNCF anticipe une baisse de 50% des ventes aux guichets des gares et boutiques. Dans ce contexte, elle doit repenser le rôle de ses 1 300 points de vente et 4 600 vendeurs. Comment ce programme de transformation a-t-il été pensé et déployé ? Isabelle Delon, directrice du programme de transformation de la relation client, en détaille les grandes lignes.                                                          

Transformer nos réseaux de vente et de service

Ce programme répond à une nécessité forte liée à la montée en puissance de la relation client digitale avec voyages-sncf.com, qui est devenu le premier site marchand de France, et à une augmentation de la concurrence en termes de modes de transport et de modes de distribution. Le développement de ce que l’on appelle le « porte-à porte* » en particulier, constitue un enjeu fort en termes de maîtrise de la relation client avant, pendant et après le voyage.

Lancé en 2011, il s’inscrit à partir de septembre 2013 dans un cadre stratégique plus fort (et également un nouveau niveau d’exigence) : le projet d’entreprise Excellence 2020, présenté par Guillaume Pépy.

Personnalisation industrielle : 10 millions de fois « mon voyage à moi » !

Les vendeurs « Voyages » réalisent 40 millions de contacts clients par an. Le challenge principal est de concilier personnalisation et industrialisation de la relation ! Les enjeux économiques font bien-sûr partie de l’équation compte tenu de la baisse continue de fréquentation du réseau de vente physique, mais notre volonté a été de valoriser ce dernier et de construire avec les vendeurs d’aujourd’hui le réseau de demain.

Le véritable enjeu de cette transformation est donc de tirer parti de la valeur du réseau humain et de lui donner une nouvelle dimension au service de la préférence client. Nous avons donc défini pas à pas une véritable stratégie réseau pour mieux le valoriser, repenser son rôle, son dimensionnement et ses implantations. Nous avons réalisé une segmentation de ce dernier en différenciant les niveaux de service en fonction des volumes et des enjeux clients. Cette nouvelle stratégie réseau constitue une véritable rupture : dans sa conception, car le principe de différenciation des services peut heurter la culture du service public très ancrée dans l’entreprise ; dans les termes utilisés, car quand on parle de réseau à la SNCF, on parle en premier lieu de réseau de transports. Elle fait également apparaître des fonctions nouvelles pour la société, comme celles de marketing du réseau de distribution ou de marketing de la relation client.

Les 4 piliers du programme

  • Un enrichissement de l’expérience client qui réaffirme le multicanal comme un véritable atout commercial et qui se traduit d’abord en promesse, puis en engagement.
  • Une ambition métier qui élargit les missions de la vente à la relation client et recentre les vendeurs sur le conseil et les ventes à valeur ajoutée avec pour objectif d’associer performance commerciale et satisfaction client.
  • Le dimensionnement et la modernisation du réseau avec des points de vente rénovés, accueillants, simples, efficaces, qui portent l’image de marque SNCF de façon cohérente ; c’est bien sûr une transformation des espaces, mais aussi une transformation des métiers et des postures.
  • Repenser et moderniser les outils de vente utilisant le meilleur des nouvelles technologies et poussant au multicanal ; avec à terme une nouvelle borne qui ne se limite plus à la délivrance des billets et des outils vendeurs mobile. Notre objectif : avoir des outils vendeurs aussi performants que ceux du client ; nous avons par exemple homogénéisé la navigation sur le web et sur l’outil vendeur.

Une double trajectoire de bénéfices pour les clients et pour les collaborateurs

La trajectoire du projet est rythmée par des paliers. Ces derniers en représentent la feuille de route et visent à rendre concrets à la fois les bénéfices pour les clients mais aussi pour les collaborateurs. Elle matérialise la « symétrie d’attention » clients / collaborateurs affirmée et recherchée. Les managers sont pleinement acteurs du changement, au travers de séminaires de partage et de mobilisation. Ainsi, chaque équipe opérationnelle a co-construit son propre projet, avec des marges de manœuvre pour l’adapter au point de vente et à ses caractéristiques. La mise en œuvre a été très rapide, avec des sites pilotes, pour tester les évolutions, mais aussi à conduire le changement de façon progressive. Nous avons dans un premier temps mené beaucoup d’expérimentations sans toucher aux espaces, pour mettre en place les fonctions d’accueil et d’orientation ou tester des solutions de gestion de l’attente par exemple.
Nous avons aussi des sites pilotes complets dans lesquels les espaces, parcours clients, métiers et outils des agents sont totalement transformés. Les deux premiers sont la boutique de Paris-Magenta et l’espace de vente de la gare de Montpellier.

L’amélioration continue au cœur du déploiement

Le déploiement du nouveau concept est progressif, selon les projets de site ou les opportunités de libération d’un espace de vente.
Le nouveau service de prise de rendez-vous en gare et en boutique, lancé depuis mi-2012, a vraiment été une victoire rapide permettant de concrétiser le changement de posture des agents et de satisfaire les clients, à coût constant en personnel. Il a déjà été déployé dans plus de 200 points de vente.
Aujourd’hui, nos chantiers clés portent sur nos systèmes d’information et nos outils : pour améliorer notre connaissance client, pour moderniser les outils des vendeurs et nos bornes libre-service.
En termes de retours d’expérience, quatre points sont particulièrement importants :

  • La priorité mise sur l’évolution des postures et des pratiques indépendamment des programmes de rénovation.
  • L’importance d’accompagner les managers, pour qu’eux-mêmes soient « à l’aise » pour accompagner leurs équipes.
  • La façon de penser le développement des compétences : la formation est nécessaire mais pas suffisante dès lors que l’on parle de postures, de pratiques relationnelles et d’esprit de service. Nous mettons en place le monitorat qui vise le transfert de compétences entre pairs.
  • La nécessité d’aligner l’ensemble des systèmes d’animation, de stimulation et de reconnaissance sur les nouveaux objectifs. Nous avons pour cela revu nos méthodes d’animation commerciale pour concrétiser les évolutions de la vente au service.

Nous avons aussi mené un important chantier de refonte de la rémunération variable des vendeurs, pour y introduire à la fois plus de qualitatif et plus de collectif.

Enfin, la transformation, s’est aussi portée sur la « tête de réseau ». La Direction des ventes a ainsi changé de nom, devenant la Direction du réseau commercial. Au-delà de ce changement de nom, c’est une véritable évolution de nos missions, de la façon dont nous pilotons l’activité et la performance, de nos modes de travail avec le marketing et avec la DSI. Bref, une nécessaire évolution de posture et de compétences pour nous aussi.

 

* Dans le domaine du transport, le « porte à porte » correspond à des offres de parcours complets, depuis le lieu de départ du voyageur jusqu’à son lieu d’arrivée, incluant souvent différents moyens de transport, voire d’hébergement.

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