Créer une relation de confiance avec son comité exécutif : étape 2, concrétiser la posture de l’organisation et expliciter les axes d’actions

Créer une relation de confiance avec son comité exécutif est une action qui se construit dans la durée. Après une 1ère étape qui passe souvent par la sensibilisation et la remise en perspective du risque cyber pour l’organisation (voir premier article), il s’agit maintenant d’entrer dans le vif du sujet et d’entamer le chemin de la transformation !

Pour transformer, il faut savoir d’où l’on part…

Avant toute transformation, il est important de définir le point de départ et de partager les constats avec le comité exécutif. L’utilisation de standards internationaux pour s’évaluer est évidemment la base, l’ISO 27001/2 et le NIST CSF sont les deux références internationales : l’une plutôt européenne, l’autre plus anglo-saxonne.

Mais ce qui comptera le plus aux yeux des dirigeants, c’est un benchmark basé sur la posture de leurs concurrents et du marché dans lequel il se situe. A ce titre, nous avons développé chez Wavestone, un outillage spécifique et construit une base de comparaison qui regroupe actuellement plus de 50 grandes organisations, majoritairement internationales et basées en Europe. La qualité de cette base est essentielle pour convaincre les dirigeants, qui lors des debriefings demanderont, avec précision et souvent beaucoup de prise de recul, ce qui est fait ailleurs.

Premier élément clé d’une évaluation : poser les bonnes questions et obtenir des réponses utiles ! Dans une grande organisation, il est complexe d’évaluer finement le niveau de conformité aux règles de sécurité. L’utilisation d’une simple notation, sur une échelle classique de maturité – de 1 à 4 par exemple – atteint rapidement sa limite. Ce que nous avons choisi de faire et qui a fait ses preuves sur le terrain, c’est de répondre aux questions en exprimant un pourcentage de périmètre couvert. Par exemple,  il est possible d’avoir 80% des postes de travail avec un anti-virus simple et 20% avec un outillage moderne type EDR. La même approche est réplicable sur les questions plus organisationnelles, 50% des utilisateurs sensibilisés par l’envoi d’emails, 30% par le suivi d’un webinar et 20% par des séances en présentiel.

Dans l’inconscient collectif, cette phase d’interrogations paraît souvent longue et très consommatrice d’énergie. Elle peut en effet l’être si l’on souhaite un fort niveau de détail, la collecte de preuves ou des vérifications techniques : cela peut être utile lorsque l’organisation a déjà un fort niveau de maturité. Mais au début d’une démarche, une approche plus simple et efficace, typiquement sur une période courte d’un mois avec une charge d’une vingtaine de jours peut être suffisante pour se donner une vision concrète de la situation et suffisamment d’arguments pour obtenir des décisions et lancer le changement.

Durant la phase de préparation, il sera également important d’identifier en amont les attentes du comité exécutif. Echanger avec les membres les plus concernés autour de leurs attentes, recueillir leur avis sur la bonne manière d’aborder le sujet et les priorités de l’organisation sera essentiel pour garantir la pertinence des phases de questionnement et de restitution. Rien de pire que de faire un hors sujet le jour de la restitution !

… Et partager la réalité de la situation

Après la phase de collecte, viendra ensuite l’heure de l’analyse des résultats. Notre retour d’expérience montre qu’il est efficace de combiner plusieurs vues pour donner du sens et obtenir de l’engagement. Les classiques rosaces de conformité à l’ISO ou au NIST sont évidemment des incontournables mais s’avèrent souvent peu efficaces : trop d’axes, trop d’éléments mélangés qui donnent finalement toujours des notes moyennes.

Comme évoqué dans le billet précédent, deux indicateurs feront mouche au début de l’échange : le budget dédié à la cybersécurité et les effectifs mobilisés sur la cybersécurité. L’indicateur de budget est toujours délicat à manipuler (forte variation annuelle et méthode de comptabilisation non homogène), nous préférons souvent utiliser celui des effectifs plus stables et plus fiables). Ensuite, il est selon nous efficace de dérouler l’analyse sur 3 axes :

  • Le 1er, c’est la résistance de l’organisation aux dernières attaques connues. Elément clairement le plus efficace en debriefing avec le comité exécutif, il permet aussi d’attirer l’attention au début de la restitution. Pour réaliser cette vue, nous utilisons les retours opérationnels du CERT-W pour savoir quelles sont les dernières méthodes d’attaques des cybercriminels et nous réalisons une analyse des mesures qui sont concernées.
  • Le 2ème, c’est la posture face au marché, en croisant le niveau de conformité par rapport aux référentiels internationaux (type : « je vise 75% de conformité à l’ISO ») avec l’écart à la moyenne du marché pour l’organisation concernée (« sur la sécurité du poste de travail, je suis 3 points en dessous du marché. Sur la sécurité physique, je suis 2 points au-dessus »). Croiser ces deux axes permet d’identifier les zones prioritaires (celles où vous êtes en dessous des standards internationaux mais aussi en dessous du marché) de celles où il ne faut pas s’acharner (tout le marché est en dessous des référentiels internationaux, mais vous êtes au-dessus de la moyenne du marché).
  • Le 3ème, c’est une vue orientée « acteurs » de la transformation, organisée par les grandes entités qui seront en charge de la transformation (par exemple : au sein de la DSI, le réseau, les postes de travail, les serveurs, au sein de la direction des risques…). Cette vue est très utile pour conclure l’échange car elle met dans l’action et permet de montrer qui va devoir le plus s’investir.

Bien sûr, ces différentes vues peuvent être segmentées en fonction des pays ou des grandes unités organisationnelles pour refléter d’éventuelles disparités ou attentes de la direction.

Dans cette phase de restitution, notre retour d’expérience montre que les comités exécutifs sont de plus en plus sensibles aux sujets liés à la cybersécurité et vont poser des questions très précises et concrètes. Il faut donc s’armer de preuves et d’éléments factuels concernant l’organisation. Avoir à disposition des résultats d’audits récents, de chiffres concrets sur la durée requise pour réussir une intrusion voire même des vidéos de démonstration d’attaques peut faire basculer un comité exécutif qui prendra conscience du risque.

Entamer dès maintenant l’étape 3: la transformation de l’organisation

Décrire la situation, les difficultés et les axes de progression ne doit pas être une fin en soi. Il faut préparer des premiers arguments sur la conduite du changement. Qui doit porter la transformation ? Quelles sont les volumes financiers à prévoir ? Quel planning envisager ? Quel reporting effectuer ? Et surtout quel sponsor dans le comité exécutif pour suivre ce sujet ! Sans être une partie formelle de la restitution, amener ces éléments à la fin de l’échange permet de préparer l’étape suivante et de collecter des premières orientations.

Ces questions sont évidemment très dépendantes de l’organisation mais nous voyons des tendances se dessiner. Aujourd’hui, c’est majoritairement le RSSI au sein de la DSI qui porte la transformation, souvent épaulé par un directeur de programme expérimenté connaissant bien la structure. Concernant les budgets, pour des programmes de remédiation majeurs, les sommes oscillent dans le secteur financier entre 200 et 800 millions d’euros, et dans l’industrie entre 50 et 100 millions. Ces sommes sont engagées usuellement sur des programmes de 2 ou 3 ans et sont suivies par le comité exécutif à l’échelle trimestrielle au lancement puis un rythme semestriel peut être pérenniser.

Pour conclure la session, le plus important reste de définir la prochaine étape. Même si toutes ces restitutions n’amènent pas le lancement de programme d’investissement immédiatement, il peut être utile d’évoquer que la revue des risques prend en compte ces résultats ou proposer la réalisation d’un benchmark à nouveau l’année suivante.

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